SUR L'EMPLOI DE L'AIMANT
POUR l'extraction
DES CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES
DE L ' CE I L
Bouhloton. — Imprimeries réunies,
SUR
L'EMPLOI DE L'AIMANT
tour l'extraction
D SS
CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES
DE L'ŒIL
PAU
Le Dr GALEZOWSKI
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAI LLIÈRE et C,c
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
Au coin do la rue Hautofcuillo.
1886
Tous droits rcjscrvùs
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in 2014
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L'EMPLOI DE L'AIMANT
POUR l'extraction
DES COUPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL
La chirurgie oculaire a fait dans ces dernières années
d'immenses progrès, et une partie de ces progrès est due
incontestablement aux perfectionnements apportés dans
l'instrumentation. L'emploi d'instruments aimantés dans
l'extraction des corps étrangers en fer ou en acier qui se
logent dans l'œil est une des plus belles conquêtes de la chirur-
gie moderne. Les résultats merveilleux qu'on obtient jour-
nellement dans les blessures de ce genre, prouvent combien
est importante cette innovation, surtout quand on pense
que, sans les instruments aimantés, l'œil souvent aurait été
perdu complètement. Quelquefois on serait obligé de pra-
tiquer des opérations pouvant déformer la pupille et laisser
des troubles visuels, et qui sont faciles à éviter par l'emploi
de l'aimant.
L'extraction des corps étrangers avec l'aimant se fait
aujourd'hui très fréquemment aux États-Unis et en Alle-
magne depuis que White-Cooper *, Mac'Keown2 etPooley3 ont
fait d'intéressantes recherches à ce sujet. Hirschberg, de Ber-
lin, vient de publier un volume très intéressant sur cette ma-
tière, où il a réuni tous les cas connus qui ont été publiés dans
les différents pays sur ce même sujet, et nous pensons que ce
livre sera consulté avec fruit par tous les ophtalmologistes.
1. White-Coopcr, Lancet, 1859, p. 388.
2. Mac Keown, Uristish med. Journal, 1871.
3. Pooley, Archiv von Knapp u. Hirschberg, X. 18807.
1
2 COItrS ÉTRANGERS METALLIQUES DE L'ŒIL.
En France, l'application de l'aimant dans les opérations
des yeux n'est pas encore très répandue, et je crois avoir été
un des premiers qui aient employé, et avec un grand succès,
l'aimant à l'extraction des paillettes de fer implantées dans
les membranes internes des yeux, et notamment dans la
rétine. Le cas était on ne peut plus intéressant, le cristallin
était resté après la blessure assez longtemps transparent, ce
qui m'avait permis d'examiner le fond de l'œil avec l'ophtal-
moscope et de définir exactement la position occupée par le
corps étranger sur la rétine. C'est alors que, incisant la
sclérotique entre les muscles droit supérieur et droit ex-
terne, et introduisant une sonde aimantée dans l'œil, j'ai
pu retirer le morceau d'acier au dehors; après quoi l'œil
a complètement guéri, et aujourd'hui, après que son cristal-
lin cataracté a été extrait, le malade voit parfaitement bien
de son œil blessé. Ce lait, du reste, sera publié tout au long
vers la fin de ce travail.
I. — Extraction des paillettes de fer de la cornée.
L'aimant peut être employé dans l'extraction des corps
étrangers implantés dans la cornée, mais son utilité ne
peut être réelle que lorqu'il s'agit des morceaux de fer bien
profondément engagés dans l'épaisseur de la cornée et lors-
qu'il y a à craindre qu'en grattant la plaie cornéenne et en
cherchant à déchalonner le corps étranger, on ne le laisse
tomber, dans la chambre antérieure, ce qui pourrait être
funeste pour l'œil.
En général, l'extraction des morceaux de fer de la cornée
n'est point facile, car ces corps sont généralement très poin-
tus, irréguliers, anguleux et dentelés sur leurs bords, ce qui
fait qu'ils sont incrustés très profondément dans les diffé-
rentes couches de la cornée, et ne se détachent qu'après
qu'on les a déchatonnés et dégagés de la plaie.
Dans ces cas, habituellement, la dissection de la plaie
cornéenne avec une aiguille à cataracte suffit pour dégager
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DE LA CORNÉE. 3
le corps étranger, et engager au dernier moment la pointe
de l'aiguille sous la paillette de fer et on s'en servira comme
d'un levier pour faire sortir le corps étranger au dehors.
Quelquefois pourtant, ce dernier temps de l'opération
devient très difficile, et je dirai même dangereux, surtout si
la pointe du corps étranger métallique touche à la membrane
deDescemet, ou si elle fait même une saillie, à travers la
plaie de la cornée dans la chambre antérieure. Dans ces
conditions, la dissection doit être arrêtée à temps pour que
le morceau de fer ne tombe pas dans la chambre antérieure;
et c'est ici que l'emploi d'un aimant peut être réellement
très utile. Il suffit, en effet, de le rapprocher de la paillette
de fer déjà déchatonnée pour qu'il sorte au dehors.
C'est de cette façon que nous avons agi chez un malade
qui s'est présenté à nous dans des conditions relativement
peu favorables, car il s'agissait d'une blessure datant du
douzième jour, et où la cornée avait déjà subi une suppura-
tion assez intense autour du corps étranger, qui était profon-
dément enchatonné dans l'épaisseur de la cornée. Nous nous
sommes servi au dernier moment de l'aimant et nous avons
eu la satisfaction de retirer la paillette de fer. Cette opération
a été suivie d'une amélioration très rapide, et l'œil a été
complètement guéri, en ne conservant qu'un leucome.
Les corps étrangers sont projetés souvent avec une telle
violence, qu'ils traversent de part en part la cornée et vont
se loger soit dans la chambre antérieure soit dans une partie
quelconque de l'iris. Leur extraction généralement devient
dans ce cas très difficile, souvent excessivement dangereuse;
en ayant, au contraire, recours aux instruments aimantés, on
arrive facilement à vaincre les obstacles et on sauve Tes yeux,
comme on peut en juger par le fait suivant recueilli à ma
clinique par mon sous-chef de clinique, M. Despagnet, où
après l'excision de l'iris il a fallu encore rechercher la
paillette de fer avec l'aimant :
A-
CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
OBSERVATION
Corps étranger de la chambre antérieure et de Viris;
extraction à l'aide d'un aimant. Guérison.
M. P..., ouvrier mécanicien, âgé de quarante-trois ans,
reçoit le 8 mai 1885 un éclat d'acier sur l'œil gauche. Pro-
jeté avec une grande violence, il traverse la cornée dans sa
partie inférieure, vers le méridien vertical, et vient se placer
entre l'irisetlapartieinférieuredelacornée. Dès le lendemain,
l'inflammation devient très intense, et la cornée prend une
teinte opalescente dans tout son segment inférieur. Ce n'est
que trente-six heures après que le malade se présenta à la
consultation de la rue Dauphine, et malgré le trouble de la
cornée, on lui fait subir l'opération de l'extraction du
corps étranger.
Le malade ayant été endormi, on lui pratiqua d'abord l'inci-
sion large de la cornée avec le couteau de Grœfe à l'endroit
de la blessure, et on introduisit l'aimant dans la chambre
anlérieure. Celte première tentative resta sans aucun ré-
sultat. A ce moment, on a saisi l'iris à travers la plaie avec
une petite pince pupillaire et on l'a excisé. En appliquant
l'aimant sur la portion de l'iris excisé, on n'a pas trouvé le
corps étranger. C'est alors que, introduisant pour la
seconde fois l'aimantdans la plaie, on a pu retirer le morceau
d'acier, qui s'était évidemment arrêté entre les lèvres de
la plaie cornéenne. Ce morceau d'acier était d'une forme
allongée, un peu irrégulière, avec le bout un peu tordu ; long
de 4 millimètres, il présentait une largeur de 2 à 3 milli-
mètres sur les différentes parties de sa longueur.
Bien que l'on eût extrait le morceau d'acier, l'inflammation
de l'œil persista pendant plus de deux semaines avec une
extrême violence, à un tel point, qu'on a pu croire un mo-
ment à l'évolution d'un phlegmon. Grâce pourtant aux anti-
phlogistiqucs, à l'application de sangsues, plusieurs fois
répétée, l'instillation d'atropine et d'éserinc, aux frictions
avec l'onguent napolitain bclladonné, et aux douches d'eau
phéniquée pulvérisée, administrées plusieurs fois par jour,
tous les accidents inflammatoires ont été enrayés, de sorte
que, vers la moitié de juin, la maladie entra dans la voie de
la guérison complète. — 10 juillet. L'œil est guéri, mais, il
reste un large leucome, adhérent, à la moitié inférieure de
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DE LA CORNÉE. 5,
la cornée, qui masque en partie la pupille. En dilatant la
pupille avec l'atropine, on voit le fond de l'œil normal. La
vue de cet œil est sensiblement affaiblie à cause de la défor-
mation irrégulière de la cornée. À l'aide d'un verre convexe
numéro 4 Dioptries, le malade peut lire quoique difficilement
te caractère numéro 5 de l'échelle.
Il résulte de mes statistiques, que le plus grand nombre des
paillettes de fer, des morceaux d'acier qui atteignent la
cornée, ne pénètrent pas très profondément; ils se fixent
généralement à la surface même de cette membrane, ou bien
ils sont arrêtés dans les couches profondes et tout près de la
membrane de Desceme-t. Placés dans ces conditions, les corps
étrangers peuvent en général être enlevés avec une aiguille
un peu forte et dont la pointe aura été préalablement
aimantée. Il y a, en effet, des avantages réels, à se servir
d'instruments aimantés pour l'extraction des paillettes de
fer de la cornée, car une fois qu'ils se trouvent dégagés et
déchatonnés de leur loge, ils se trouvent attirés par l'aiguille
aimantée vers leur pointe, et le résultat n'est que plus rapide
et plus brillant.
Hirschberg se sert dans ces cas d'une pile électrique parti-
culière, à laquelle se trouve fixé par un fil, l'instrument
aimanté, qu'il approche de la plaie faite préalablement dans la
cornée, à l'endroit du corps étranger. Il me semble que cette
augmentation de la force aimantée pour l'extraction des
morceaux d'acier de la cornée est tout à fait superflue, et
qu'un simple instrument, aimanté d'avance, est bien suffi-
sant pour le but qu'on se propose d'atteindre.
Je me sers, habituellement, de plusieurs instruments ai-
mantés pour l'extraction des corps étrangers de l'œil. Je
les ai fait construire par M. Collin, et on trouve dans une boîte
à part réunis tous les instruments que voici (fig. 1) :
1° Une aiguille à corps étrangers, un peu forte au bout;
2° Une petite renette, instrument ressemblant à celui dont
se servent les vétérinaires pour évidement du sabot;
3° Une pince droite fine avec de petits mors au bout;
4° Une sonde avec un bout fin, olivaire, pour l'extraction
6 CORrS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
des corps étrangers de la chambre antérieure et du corps
vitré.
5° Une curette en acier aimantée.
Ces quelques instruments doivent être tenus dans une boite
spéciale, soit en bois soit en verre, afin que la force aimantée
ne se perde pas. On trouvera cette boîle complète, très habile-
ment confectionnée chez M. Collin, 6, rue de l'École-de-Mé-
decine. 11 est bien entendu, que de temps en temps, par
exemple, tous les cinq ou six mois, il sera prudent de s'assu-
rer si ces instruments n'ont pas perdu leur pouvoir d'attrac-
tion et au besoin on les fera aimanter à nouveau.
Vig. l.
M. Hirschberg rapporte six observations de corps étran-
gers de la cornée où il a dù recourir à l'aimant. Quant à moi,
je puis dire que dans le plus grand nombre de ces cas l'extrac-
tion a pu être pratiquée sans que j'aie eu besoin de recourir
aux instruments d'autre nature qu'une aiguille aimantée.
Une seule fois seulement la paillette de fer était tellement
profondément incrustée qu'il y avait grand danger qu'elle
tombât dans la chambre antérieure, et c'est alors seulement
que j'ai eu recours avec un plein succès à un fort aimant.
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DE LA CORNÉE. 7
Voici ce fait :
ODSERVATION
Paillette d'acier fixée très profondément dans la cornée.
Extraction avec un aimant. Guérison.
M. K..., ouvrier serrurier, âgé de trente-deux ans, a reçu
un morceau d'acier dans l'œil, d'un de ses camarades qui
travaillait à une rampe en fer. Dès le lendemain il vint
me voir ; il ne souffrait pas beaucoup, l'œil était un peu in-
jecté, et il y avait de la photophobie. Un morceau de fer se
voyait dans l'épaisseur de la cornée. J'y ai fait une incision
et j'ai cherché à le déchatonner, mais sans résultat. De plus,
je voyais l'humeur aqueuse se vider par l'incision, ce qui était
pour moi une preuve que le corps étranger faisait saillie
dans la chambre antérieure. Voyant le danger qui pouvait
résulter de la chute de ce corps étranger dans la chambre
antérieure, j'ai agrandi la plaie avec le bistouri fin, et j'ai
essayé de saisir la paillette avec une pince, mais cette tenta-
tive ayant encore échoué, j'ai approché alors une grosse sonde
aimantée de la plaie et j'ai eu la satisfaction de retirer le mor-
ceau de fer au dehors. Les suites de l'opération ont été des
plus simples; quelque gouttes d'atropine, des compresses
froides et la pommade vaseline ont suffi pour amener la
guérison de l'œil.
En général, il estbondese servir des instruments aimantés
même les plus simples, tels que : aiguille ou renette, pour
détacher les paillettes de fer qui se trouvent soit à la sur-
face soit dans l'épaisseur de la cornée, car pendant la dis-
section de la plaie cornéenne qui contient le corps étranger,
ce dernier se trouve entraîné par l'aiguille aimantée et se dé-
tache de la plaie plus facilement que par un instrument
ordinaire.
II. — Extraction «les paillettes de fer de l'iris.
Les paillettes de fer fixées dans l'iris peuvent être quel-
quefois retirées complètement de cette membrane à l'aide
d'un aimant, surtout si elles ne sont pas enfoncées trop pro-
fondément. Souvent, dans ces cas, on peut voir l'iris avec le
corps étranger se porter très visiblement en avant et se rap-
8 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
procher de la cornée, si on approche de l'œil un forl aimant.
Le fait suivant est un des exemples les plus frappants et
des plus concluants sur l'efficacité des aimants dans l'ex-
traction des morceaux d'acier de l'œil. L'observation que je
rapporte ici a été recueillie et rédigée par M. Despagnet.
OBSERVATION
Corps étranger implanté dans Viris. Extraction avec V aimant.
M. Jean R..., vingt-trois ans, mécanicien demeurant à
Paris, était occupé à perforer le cercle d'une roue de fer
pour la boulonner lorsque l'instrument perforant en acier
(fraisse) se brise et un éclat vient frapper l'œil droit. L'acci-
dent arrive le 5 mai à deux heures de l'après-midi. A trois
heures le malade se présente à la consultation. Sur le bord
pupillaire externe droit et au niveau du diamètre horizontal
on aperçoit un petit corps brillant, implanté dans l'iris. A
peu près vers le centre cornéen on reconnaît le point où il
est entré. En effet, on y constate une tache blanche presque
linéaire ayant une longueur de 2 millimètres environ. La
plaie estdéjàencoaptation parfaite et à la lampe on n'aperçoit
aucun suintement de l'humeur aqueuse. La chambre anté-
rieure est d'ailleurs reconstituée et a à peu près les mêmes
dimensions que dans l'autre œil. La pupille est normale
comme grandeur, et ses mouvements, quoique un peu plus
lents que du côté opposé, sont parfaitement visibles quand on
met le malade en face de la fenêtre. Le cristallin est transpa-
rent dans toutes les parties visibles de la capsule ne présente
aucune solution de continuité. Le corps étranger est donc
arrêté à l'iris. D'ailleurs nous en avons une preuve nouvelle
dans les mouvements pupillaires qui se font, avons-nous dit,
très régulièrement, ce qui n'existerait pas si le morceau d'a-
cier avait pénétré dans le cristallin, car il maintiendrait l'iris
fixe conlrc la plaie capsulaire.
Pour l'extraire, on l'ait avec le couteau de Graefe, à la partie
supérieure et externe, une plaie d'un centimètre et demi en-
viron. Aussitôt, avec la sortie de l'humeur aqueuse, l'iris se
projette dans la plaie. On introduit alors l'aimant entre les
deux lèvres de la cornée. En l'approchant on voit l'iris se
porter fortement en dehors. C'est le corps étranger qui,
coiffé par l'iris, et attiré par l'aimant, produit ce mouvement
de propulsion. A l'aide de l'aimant on refoule légèrement
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DE L
l'iris de dedans en dehors et on décoiffe le corps étn3y$ir
qui vient se porter contre l'aimant et se trouve retire*au
dehors. On refoule ensuite l'iris dans la chambre antérieure
à l'aide d'un stylet et on instille l'éserine; la réduction est
complète. Ajoutons que pour faciliter l'opération on avait
préalablement instillé dans l'œil la cocaïne.
Quant au corps étranger, c'était un morceau d'acier, débris
de l'instrument perforant, sa forme est triangulaire, et sa
hauteur de un millimètre. Les bords taillés à pic sont irré-
culiers.
11 arrive quelquefois que le morceau d'acier se trouve im-
planté dans l'iris d'une telle façon, qu'il ne peut pas être ex-
trait sans que la portion de l'iris, dans laquelle le corps
étranger se trouve implanté, soit aussi enlevée. Mais pour pra-
tiquer cette opération, on est obligé de saisir l'iris avec la
pince el de l'exciser sans qu'on ait immédiatement la certi-
tude que le morceau d'acier ait été extrait avec la portion de
l'iris. Dans ces cas le recours à l'aimant peut avoir aussi
son utilité. Et en effet, en l'approchant de la portion de l'iris
excisé, on verra ce dernier s'attacher à l'aimant, si le morceau
d'acier se trouve compris dans le débris de l'iris excisé.
Les choses se sont passées de cette façon dans le cas sui-
vant :
Paillette de fer fixée dans la cornée et Viris. Extraction avec
excision de Viris. Guérison.
Monsieur S..., âgé de trente-deux ans, ouvrier mécanicien,
demeurant à Paris, se présenta à la consultation de la rue Dau-
phine, le 3 juillet 1885, se plaignant d'un trouble de lavue et de
douleurs périorbitaires, qu'il ressentait depuis une dizaine de
jours. 11 lui semble qu'il a reçu un corps étranger dans l'œil,
en burinant une planche de fer, mais il ne peut l'affirmer,
car il n'a pas souffert sur le moment. Pendant les premiers
huit jours le malade alla se soigner dans une clinique où
on ne put apercevoir le corps étranger. A notre premier
examen, nous avons pu constater la présence d'une paillelte
très fine placée au bord inférieur de la cornée, à 2 millimè-
tres de son bord opaque, et qui par un bout pénétrait dans
OBSERVATION
I
10
CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
l'iris, et par l'autre restait fixée dans la cornée. L'œil était à
peine injecté; et le malade ne se plaignait que d'une légère
pesanteur et d'une cuisson.
Dès le lendemain, j'ai pratiqué l'extraction du corps étran-
ger. Après avoir incisé la cornée avec le cout'eau de Graefe à
la limite de la partie transparente et tout près du corps étran-
ger, j'ai introduit l'aimant, à plusieurs reprises, dans la
chambre antérieure, mais sans aucun résultat. C'est alors que
j'ai saisi la portion de l'iris où se trouvait le corps étranger,
je l'ai retirée au dehors et je l'ai excisée. La pupille après
l'excision s'est remplie immédiatement de sang et on ne pou-
vait pas savoir si la paillette de fer était extraite avec l'iris
ou si elle était restée dans la chambre antérieure ou la cor-
née. A ce moment l'aimant nous a rendu un service réel;
et en effet, je l'ai rapproché de la portion de l'iris excisé que
je tenais au bout de la pince, et j'ai eu la satisfaction de voir
le lambeau de l'iris s'attacher à l'aimant ; la petite paillette
d'acier était ensuite facilement mise à nu.
Les suites de l'opération étaient très simples, l'œil a guéri
au bout de cinq jours, et le malade a pu reprendre ses occu-
pations.
Ces faits, et plusieurs autres que j'ai observés dans ma clien-
tèle, montrent d'une manière non douteuse que l'emploi des
sondes aimantées est on ne peut plus précieux dans l'extrac-
tion des paillettes de fer implantées dans l'iris.
III. — Extraction des paillettes de fer de la conjonctive.
Les corps métalliques implantés dans la conjonctive exigent
rarement l'emploi d'instruments aimantés : une simple in-
cision delà muqueuse et une introduction d'une pince dans
la plaie suffisent pour les retirer de la plaie. Néanmoins, en
procédant de cette manière, on s'expose à voir la plaie con-
jonctivale se remplir de sang et masquer le corps étranger.
Il est donc préférable, selon moi, de saisir dans ces cas, avant
toute incision, le corps métallique à travers la conjonctive
avec la pince aimantée, et d'exciser ensuite le tout avec une
paire de ciseaux, quitte à suturer ensuite la plaie conjonc-
tivale si ses bords étaient par trop écartés.
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DE LA SCLÉROTIQUE. 11
C'est de cette façon que j'ai procédé dans le cas suivant :
ODSERVATION
Éclat de fonte implanté dans la conjonctive. — Extraction.
M.Fossard, vingt-cinq ans, mécanicien, rueMarcadet, 37, à
Paris, en burinant de la fonte en reçoit un éclat dans l'œil gau-
che. Le corps étranger vient, s'implanter assez profondément
dans la conjonctive. Il fait une légère saillie àla surface de la
muqueuse mais pas suffisante pour qu'on puisse le saisir avec
une pince. On essaye de l'extraire avec l'aimant, espé-
rant peut-être que ce n'est point de la fonte mais un débris
de l'instrument servant à buriner, mais l'aimant reste sans
action. On dut donc saisir le corps étranger à l'aide d'une
pince aimantée et exciser la conjonctive qui contenait le mor-
ceau de fer à l'aide d'une paire de ciseaux. On introduisit
ensuite une seconde fois l'aimant dans la plaie, mais sans
rien retirer. Le stylet ne révélait plus la présence d'aucun
corps dur. Le corps étranger avait été retiré en entier, ce
que nous avons pu constater en approchant le stylet
aimanté du lambeau conjonctival excisé : la paillette a été
entraînée immédiatement par l'aimant.
IV. — Extraction des corps étrangers de la sclérotique.
Il est rare de rencontrer des paillettes de fer implantées
dans la sclérotique; car dans la grande majorité des cas la
force de projection de ces corps est tellement grande qu'ils
traversent la coque scléroticale de part en part, et se per-
dent soit dans le corps vitré soit dans une autre membrane
quelconque interne de l'œil. Néanmoins, il peut arriver
qu'un petit éclat métallique un peu angulaire se trouve
arrêté dans sa marche par le tissu dense et élastique de la
sclérotique et qu'il s'y trouve pour ainsi dire emprisonné, serré
et retenu définitivement. Si la blessure scléroticale occupe la
région du cercle ciliaire, le corps étranger se trouvant ainsi
implanté profondément dans son tissu, atteindra forcément
le cercle ciliaire, et provoquera des accidents des plus graves
si on n'intervient pas à temps.
C'est dans ces cas surtout que l'application de l'aimant
12 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
rendra un très grand service, et ne pourra être remplacé par
aucun autre instrument, car vu l'importance de la région
blessée, il serait dangereux d'agrandir beaucoup la plaie et
surtout de l'irriter par l'introduction répétée et prolongée
des pinces, quand une simple application d'un fort aimant
suffit pour retirer le corps étranger de la plaie et sauver ainsi
l'œil compromis.
En parcourant tous les travaux des auteurs sur cette
matière, je n'ai trouvé aucune observation relative aux corps
étrangers de la sclérotique.
Le fait que je rapporte ci-après, me paraît présenter
un double intérêt ; d'abord par sa rareté exceptionnelle, et
ensuite il montre d'une manière des plus frappantes, com-
bien dans ces cas une application méthodique d'instru-
ments aimantés peut être efficace, et brillante dans les
résultats obtenus.
Le malade que nous avons soigné pour cet accident pré-
sentait, comme on le verra, dans la région ciliaire une plaie peu
étendue, et le corps étranger se distinguait à peine au milieu
de cette dernière, très fortement irritée, douloureuse et for-
tement injectée tout au pourtour. J'ai dû d'abord inciser
la conjonctive et l'écarter du bord de la plaie scléroticale,
pour pouvoir ensuite appliquer l'aimant. L'opération, du
reste, a parfaitement réussi, le corps étranger s'est laissé
facilement détacher de la plaie scléroticale et retirer au
dehors, ce qui a été suivi d'une prompte et radicale guérison
de l'œil. Ce qui est digne de remarque, c'est que la paillette
métallique ne produisait aucune saillie à la surface de la
plaie, car à plusieurs reprises j'ai passé mon doigt d'a-
bord et ensuite une sonde mousse sans avoir pu ressentir soit
une rugosité soit une autre sensation que donne le corps
étranger métallique au contact d'un autre métal.
Voici les détails de cette intéressanle observation qui ont
été recueillis par mon sous-chef de clinique, M. Despagnet.
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DE LA SCLÉROTIQUE. 13
OBSERVATION
Corps étranger de la sclérotique de Vœil gauche.
Extraction avec V aimant. Guérison.
M. L... Eugène, trente et un ans, bijoutier, rue Ober-
kamph, 62, à Paris, en frappant avec un marteau, voit son
outil se briser et il en reçoit un morceau dans l'œil gauche,
le 5 août 1885. Le corps étranger vint s'implanter dans
l'angle interne, sur la sclérotique, à la hauteur du méridien
horizontal de l'œil et à 5 millimètres de la cornée. Il s'en
est suivi une hémorragie assez intense et une ecchymose
sous-conjonctivale. Le lendemain le malade se présente rue
Dauphine. Tout son œil a une teinte rouge noir foncé, pro-
duite par l'épanchement sanguin sous-conjonctival. Sur
le diamètre horizontal et à 3 millimètres en dedans de la
cornée, on voit une petite plaie triangulaire béante. Si l'on
introduit un stylet on ne sent pas de plan résistant, fourni parle
corps étranger qui ne forme aucune saillie en dehors de la
sclérotique. On prescrit l'atropine en instillation et la pom-
made de vaseline. Le lendemain on se dispose à l'extraction du
corps étranger. Préalablement, avec le bistouri, l'on agrandit
l'ouverture de la plaie conjonctivale, et on écarte de chaque
côté les bords, de façon à donner un passage plus facile au
morceau d'acier. Cela fait, on introduit la pointe de l'aimant
dans la plaie scléroticale, et en le retirant on trouve à son
extrémité le corps étranger de forme triangulaire et ayant
un millimètre et demi de long.
Les suites ont été des plus simples. On continua l'usage de
l'atropine et de la vaseline. Trois jours après la plaie était
cicatrisée par première intention, et l'ecchymose, pour dis-
paraître totalement, amis environ quinze jours.
L'œil a guéri complètement, en recouvrant la netteté
parfaite de l'acuité visuelle.
Ce fait me paraît être des plus concluants et des plus dé-
monstratifs de l'utilité d'instruments aimantés dans la ciii-
rurgie oculaire; car sans l'aimant, nous aurions eu beaucoup
de peine à retrouver le corps étranger. Je me rappelle même
un cas analogue, dans lequel, il y a plus de dix ans, j'ai
fait la dissection de la plaie scléroticale, et j'ai cherché avec
des pinces à retirer le corps étranger, mais mes tentatives
14 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
sont restes vaines ; le corps étranger est resté dans le fond de la
plaie. L'œil resta enflammé pendant plusieurs mois ; j'ai
perdu ensuite de vue le malade.
Y. — Extraction «1cm paillettes de fer da cristallin.
Les accidents de cette nature sont relativement assez fré-
quents: un éclat de fer traverse la cornée, quelquefois la cornée
etl'iris, et se fixe dans le cristallin. Il en résulte une cataracte
traumatique avec le corps étranger fixé au milieu des couches
corticales. Les conséquences de pareilles blessures ne sont
pas toujours les mêmes, car elles dépendent du volume du
corps étranger et de l'étendue de la plaie capsulaire qu'aura
produit le corps étranger en pénétrant dans le cristallin.
Il arrive, en effet, quelquefois, que la paillette métallique
est tellement petite, et qu'elle a été lancée avec une telle force
de projection, que c'est à peine si l'on pourra distinguer le
point d'entrée aussi bien du côté de la cornée que dans la
capsule. Le traumatisme produit dans ces conditions n'aura
pas toujours les mêmes suites : il peut arriver que la plaie
capsulaire se referme très rapidement et que l'humeur
aqueuse ne pénètre pas dans les couches corticales ; d'où il
s'ensuivra, que la masse cristallinienne conservera la trans-
parence, malgré la présence du corps étranger qu'on pourra
distinguer à travers le cristallin transparent.
On comprendra parfaitement que, dans ces conditions, la
présence du corps étranger au milieu des fibres cristalli-
niennes n'est nullement dangereuse, et il n'y a aucune néces-
sité de chercher à l'extraire, tant que le cristallin conserve
sa transparence.
Le fait suivant en est la meilleure preuve :
ORSERVATION
Corps étranger fixé clans le cristallin avec conservation de la
transparence de ce dernier.
M. Adolphe C..., âgé de dix-neuf ans, demeurant à Poissy,
reçoit un morceau de fer dans l'œil gauche, détaché d'un clou,
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DU CRISTALLIN. 15
qu'il voulait enfoncer dans le mur, c'est à peine s'il a res-
senti un léger picotement. L'œil resta rouge quelques jours,
et au moment où le malade vint me voir, le 16 novembre 1875,
j'ai constaté une petite plaie, longue de trois à quatre milli-
mètres à la partie interne de la cornée presque cicatrisée, et
un léger trouble de la capsule cristallinienne. Après avoir
dilaté la pupille, j'ai pu distinguer très facilement un corps
luisant situé à la partie inféro-interne du cristallin. Cette
opacité ne s'est point étendue, le corps étranger resta confiné
dans le même point du cristallin, et la vue revint au même
pointqu'avant l'accident, cornmej'ai pum'enassurer, envoyant
le malade le 13 décembre suivant et le 27 janvier 1884. Mais
il y a un fait qui m'a frappé chez ce malade, c'est que la
teinte luisante du corps étranger a disparu, et à mon dernier
examen je ne voyais plus qu'une tache blanche bien circon-
scrite qui masquait le corps étranger. Le reste du cristallin
conservait sa transparence. L'-œil, au dire du malade, est
devenu depuis l'accident plus myope que précédemment,
mais il pouvait lire les caractères les plus fins.
Des faits de ce genre ne sont pas fréquents, et pour ma
part, je dois dire que je ne les ai observés que deux fois.
Habituellement, au contraire, il arrive que la plaie de la
capsule, produite par la pénétration du corps métallique dans
le cristallin est suivie d'une opacification générale de cette
dernière.
Lorsque ce corps étranger se laisse apercevoir à travers
les couches corticales et qu'il se trouve placé non loin de la
surface antérieurie, rien n'est plus facile alors que de l'extraire
par le procédé d'extraction linéaire. On fait, en effet, une inci-
sion linéaire dans la cornée, et avec la curette en acier
aimantée, on entre derrière le corps étranger à travers les
couches corticales et on l'attire au dehors.
Dans le dernier congrès d'ophtalmologistes de New-York,
le docteur James Minov 1 a rapporté un cas d'extraction du
corps étranger du cristallin à l'aide d'un crochet à strabisme
aimanté, qu'il avait introduit dans l'œil.
Si, après quelques tentatives, on n'arrive pas à attirer le
i. James Minov, American Ophtalmological society, July 1885 (Tlie Médical
Record).
16 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
corps étranger au dehors, ni avec la curette aimantée ni avec
la pince, on devra alors introduire dans le cristallin la forte
sonde aimantée, et au besoin, une sonde communiquant avec
la pile électrique et on parviendra alors à attirer le morceau
de fer. Quant aux autres parties du cristallin, on les retirera
avec la curette, en introduisant successivement dans la pu-
pille et à plusieurs reprises une simple curette de Daviel.
Deux fois j'ai eu l'occasion d'extraire la cataracte avec le
corps étranger, en me servant d'instruments non aimantés;
les détails d'observation me manquent. Dans les trois autres
cas j'ai pu extraire le corps étranger en me servant deux fois
de la curette aimantée, et une fois de la pince aimantée.
Dans tous ces cas j'ai dû suivre les mêmes préceptes :
aussitôt l'incision de la cornée et de la capsule faite, j'intro-
duis soit la pince soit la curette à travers les couches corti-
cales, directement jusqu'au corps étranger, et je le retire au
dehors sans me préoccuper de la cataracte. Ce n'est qu'après
que le corps étranger se trouve enlevé que je procède
à l'extraction de la cataracte, d'après les règles de l'extrac-
tion de la cataracte molle ou demi-molle par le procédé
linéaire.
La conduite du chirurgien sera toute différente s'il s'agit
d'une cataracte produite* par le corps étranger métallique, si
ce dernier ayant pénétré dans le cristallin a provoqué son
opacification et si l'on ne peut pas distinguer la position qu'il
occupe.
Trois conditions peuvent se présenter dans ces sortes de
blessures : ou bien le corps étranger se trouvera enfoncé dans
les couches corticales profondes, ou bien il a traversé de
part en part le cristallin, et ira tomber, soit dans le corps
vitré, soit qu'il se fixe dans la rétine ou la choroïde. On s'as-
surera de la présence du corps étranger dans les membranes
profondes de l'œil, par la diminution de la densité du globe
oculaire, par une très grande injection scléroticale, ainsi que
la sensibilité de l'œil; par une perle d'une partie quelconque
du champ visuel, et enfin par la présence d'une tache noire
sur une partie quelconque du fond de l'œil, lorsque le cris-
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DU CRISTALLIN. 17
tallin aura conservé sa transparence et qu'on aura pu exami-
ner l'intérieur de l'œil.
C'est ainsi que les choses se sont passées dans un cas,
déjà ancien, que j'ai opéré et qui ne manquera de présenter
quelque intérêt non pas au point de vue de l'extraction avec
l'aimant, car il s'agissait d'une capsule en cuivre, mais rela-
tivement à la localisation des corps étrangers qui traversent
le cristallin et de diagnostic différentiel.
Voici ce fait :
OBSERVATION
Blessure de l'œil avec un éclat de capsule, lritis et iridocy-
clite persistante. Présence d'une exsudation dans la ma-
cula indiquant le siège du corps étranger. Enucléation de
l'œil.
M. le capitaine de vaisseau M..., âgé de quarante-
trois ans, vint me consulter en 4868 pour une iritis très
intense de l'œil gauche, dont il souffrait, depuis plus de huit
mois. Il raconte qu'ayant été invité, pendant son séjour dans
une ville de l'Amérique du Sud, à la chasse chez un de ses
amis, il s'y rendit avec son fusil à piston. Subitement en tirant,
un coup, il sentit une douleur vive dans l'œil gauche, et s'était
aperçu qu'il voyait mal de cet œil. 11 consulta un médecin du
pays, qui le rassura, disant qu'il n'y avait rien dans l'œil, et
qu'avec quelques fomentations froides tout se serait calmé.
Malheureusement, l'œil devint de plus en plus injecté, la vue
se troubla et le malade commença à souffrir de la photopho-
bie, de larmoiement et des douleurs péri-orbitaires. 11 revint
en Europe, souffrant beaucoup à bord de son navire. A Liver-
pool, il consulta un oculiste, qui lui déclara qu'il s'agissait
d'une iritis constitutionnelle et lui prescrivit l'atropine et les
pilules de mercure. Ne voyant pas d'amélioration, il revint à
Paris me consulter.
Apres avoir examiné attentivement l'œil malade, j'ai décou-
vert, non sans peine une tache blanche linéaire de deux milli-
mètres de longueur, au bord interne de la cornée qui
correspondait, évidemment au point d'entrée de la capsule.
L'iris était enflammé et conservait une dilatation moyenne.
Sur la. partie interne de la capsule on apercevait une tache
opaque qui s'étendait sous forme d'une ligne dans toute
l'épaisseur du cristallin. A l'examen ophtalmoscopique, j'ai
pu reconnaître très facilement une exsudation blanche,
2
IN
CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
grande comme la moitié de la papille dans la région de la
macula; la papille était injeclée, trouble, nuageuse.
La perception lumineuse était conservée, le malade ne
voyait pas en face, mais sur le côté son champ visuel était
encore conservé, et il pouvait distinguer les mouvements de
la main. La consistance de l'œil était un peu augmentée, l'in-
jection périkératique assez intense. Le malade souffrait beau-
coup jour et nuit des douleurs péri-orbitaires, et ne man-
geait presque rien depuis plus de deux mois.
Evidemment, il s'agissait pour moi d'un corps étranger
fixé dans la macula. Le professeur Richet, que j'avais appelé
en consultation, confirma mon diagnostic. J'ai proposé l'énu-
cléation du globe oculaire. Le malade consentit immédiate-
ment à cette opération, ce qui fut fait sans aucune compli-
cation. La cicalrisalion de la plaie s'est faite au bout de
douze jours. La santé du malade s'est rétablie promptement
et il jouit aujourd'hui d'une excellente santé. P]n disséquant
l'œil énucléé, nous avons trouvé le morceau de capsule, fixé
dans la région de la macula; toutes les parties voisines de la
choroïde et de la rétine étaient couvertes d'un exsudât épais,
contenant une grande quantité de globules de pus.
VI. — Extraction des paillettes de fer du corps vitré.
L'humeur vitrée est assez fréquemment le siège de corps
étrangers; ce sont des paillettes métalliques de très petite
dimension, des éclats de capsule et le plus souvent des pail-
lettes de fer.
Leur principale porte d'entrée est la cornée : de là ils tra-
versent le cristallin, soit en passant parla pupille, soit à
travers l'iris lui-même. Dans des cas rares, lorsqu'ilspénètrent
près de la grande circonférence de l'iris et de la cornée, ils
peuvent franchir une autre voie en dehors du cristallin, juste
au voisinage du canal de Petit. Mais il arrive bien souvent
que le chemin que parcourent ces corps étrangers est beau-
coup plus court, ils frappent la sclérotique, la déchirent,
traversent la choroïde et la rétine, et se fixent dans une
de ces deux membranes, ou bien restent suspendus au milieu
du corps vitré.
11 arrive habituellement que des paillettes d'une très
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DU CORPS VITRÉ. 19
petite dimension, celles qui ont épuisé toute leur vitesse
acquise, s'arrêtent dans l'humeur vitrée, et descendent peu
à peu dans les parties déclives.
Des éclats métalliques d'une grande dimension, ceux sur-
tout qui, lancés avec une très grande violence, n'ont pas
épuisé leur force de propulsion, en traversant la sclérotique,
pénètrent dans la masse du corps hyaloïdien, et vont dans
la sclérotique du côté opposé pour y rester fixés. Il est
rare qu'ils traversent de part en part la sclérotique en avant
et en arrière du globe pour se fixer dans la cavité orbilaire.
Les auteurs ont signalé des faits de ce genre, mais je dois
déclarer que je ne les ai jamais vus.
Lorsqu'ils rebondissent sur la coque oculaire, et retombent
dans le corps vitré, ils peuvent se fixer là dans un point dé-
clive du globe, s'y envelopper dans une masse sanguine qui
aura été épanchée par la choroïde blessée, et constituer là
un exsudât fixe qui ne compromettra en rien l'existence de
l'œil.
Dans d'autres cas moins fréquents, il est vrai, ces corps de-
viennent mobiles, ils scintillent et flottent au milieu du corps
hyaloïdien sous forme d'un flocon, que l'on aperçoit facile-
ment à l'aide de l'ophtalmoscope. Habituellement ils se pré-
sentent comme des corps luisants d'un volume beaucoup
plus grand qu'ils ne sont en réalité ce qui est dû à la réfrin-
gence du corps vitré lui-même et du cristallin à travers lequel
on les examine.
Rarement ce corps étranger est isolé; il se trouve accom-
pagné du flocon sanguin et fibrineux, qu'on peut quelquefois
suivre depuis la plaie d'entrée jusqu'au corps étranger lui-
même sous forme d'une traînée noire ou blanchâtre qui in-
dique le trajet parcouru.
On reconnaît facilement sa présence dans le corps vitré,
lorsqu'il est seul et isolé, car il a l'apparence d'un corps
luisant d'abord, et ensuite, au bout de quelques temps
après l'accident, d'un flocon circonscrit, à contours bien
tranchés et de dimensions bien peu prononcées. L'aspect
luisant de ce corps visible à l'image renversé, ses contours
20 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
franchement accusés, et la rapidité relativement très grande
de déplacement dans l'humeur vitré, tous ces signes suffi-
sent amplement pour établir un diagnostic exact de la pré-
sence de ce corps. Il faut y joindre la présence dans un point
quelconque de la surface choroïdienne d'une tache plus ou
moins large d'atrophie ou déchirure choroïdienne avec
plaques exsudatives et pigmenlaires, qui correspondent
généralement au point d'entrée du corps étranger.
Des paillettes dé fer isolées, qui flottent dans l'intérieur
de l'œil, peuvent conserver leur position pendant de longues
années , sans amener d'accidents inflammatoires dans le
globe oculaire. Gela se comprend très facilement par la
structure elle-même du corps vitré, qui n'a ni vaisseaux
ni nerfs, et qui ne peut par conséquent pas s'enflammer
tant que celte inflammation ne vient pas par propagation et
par voisinage de la choroïde.
Il n'est pas rare, en effet, de rencontrer des cas, dans les-
quels le corps étranger métallique se conserve au milieu
du corps vitré pendant des années sans compromettre ni la
vision ni la nutrition de l'organe visuel. Pour ma part, j'ai
le souvenir de deux cas de ce genre; une fois il s'agissait
d'un malade de la clinique de Desmarre père, qui conserva un
flocon luisant dans le corps vitré pendant plusieurs mois sans
qu'il en ait approuvé le moindre inconvénient. Dans un autre
cas, le malade était un ancien officier retraité et qui venait
me consulter cinq ou six ans après la blessure pour un éclat
d'acier qui se voyait très distinctement flottant dans l'humeur
vitré. L'œil n'avait point souffert depuis l'accident.
Mon éminent confrère et ami, le Dr Théophile Anger, m'a
rapporté dernièrement l'histoire d'un cas des plus intéres-
sant, qu'il avait observé sur un des vieillards de Bicêtre.
Cet homme, qui était soigné pour un ramollissement cérébral,
portait dans l'intérieur de son corps vitré un flocon métal-
lique, bien visible à l'ophlalmoseope, depuis plus de vingt
ans. Il n'en a jamais souffert. Il succomba après une attaque
cérébrale et à l'autopsie faite avec soin, M. Anger a retrouvé
le corps étranger métallique dans le corps vitré.
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DU CORPS VITRÉ. 21
Ce dernier fait prouve d'une manière très concluante,
que la présence d'un corps métallique quelconque dans l'hu-
meur vitrée n'est pas une indication absolue pour une inter-
vention chirurgicale, et que du moment qu'il se trouve sus-
pendu dans le liquide, il peut y rester indéfiniment sans
provoquer une inflammation et sans compromettre en aucune
façon l'œil blessé et encore moins son congénère.
Mais il n'en est pas de même lorsque des flocons plus ou
moins nombreux accompagnent ce corps étranger, surtout
si le cristallin lui-même a été blessé et s'est opacifié.
On trouvera dans ces cas des renseignements sur la pré-
sence du corps étranger dans la sensibilité de l'œil au toucher,
dans la présence d'une plaie pénétrante dans la cornée ou
dans la sclérotique, et dans les accidents inflammatoires du
côté de l'iris et de la choroïde.
La présence d'un corps étranger dans l'intérieur de l'œil
est très souvent récélé par un développement d'une irido-
cyclite avec hypopyon et par un épanchement plastique fibri-
neux dans le corps vitré, que l'on reconnaît à l'œil nu et à
l'éclairage latéral par un reflet jaunâtre derrière le cristallin.
Si on joint à tous ces symptômes une diminution notable de
la tension de l'œil, pouvant aller jusqu'à l'atrophie du globe
oculaire, on aura alors un tableau très complet de la maladie.
Il est certain, qu'un certain nombre de ces corps étran-
gers peuvent s'enkyster et rester dans l'œil sans provoquer
des accidents; mais ces cas ne doivent être considérés que
comme des faits exceptionnels.
En règle générale, on doit considérer la présence d'un
corps étranger métallique accompagné des flocons dans le
corps vitré comme un danger, plus ou moins rapproché,
pour l'œil blessé aussi bien que pour son congénère et il faut
chercher à l'extraire. S'il s'agit d'un morceau de cuivre, l'in-
tervention devient difficile car il ne nous reste pas d'autre
alternative que d'ouvrir la sclérotique et d'aller le chercher
à l'aide d'une pince, tout à fait au hasard.
11 n'en est pas de même si le corps étranger est un mor-
ceau d'acier, car dans ces cas, l'introduction d'un fort aimant
22 GOIÎPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
dans la cavilé bulbaire suffit très souvent pour l'attirer vers
la plaie et l'extraire au dehors.
L'extraction des paillettes ne fer du corps vitré à l'aide
d'un aimant, peut se faire par deux voies différentes, soit à
travers une incision cornéenne après une extraction du cris-
tallin soit à travers une incision scléroticale.
Il est très rare de trouver une occasion dans laquelle le
cristallin se trouve ou résorbé ou opacifié et ramolli, et où
nous puissions faire d'un seul coup les deux opérations :
d'abord à l'extraction du cristallin, et puis, séance tenante,
l'extraction à travers la pupille du corps étranger. Plus sou-
vent, au contraire, nous nous trouvons en présence d'un cas,
dans lequel une paillette de fer aura pénétré à travers la
sclérotique en laissant intact le cristallin.
C'est pourquoi nous sommes beaucoup plus souvent obligé
de tailler une plaie plus ou moins large dans la sclérotique
et de pénétrer à travers cette plaie avec un aimant puissant
dans l'intérieur du corps vitré et le promener dans tous les
sens pour l'atteindre. Habituellement si l'aimant est assez
puissant, et si le corps étranger est libre de toute attache, il
se laisse entraîner par l'aimant, môme s'il est enveloppé dans
des exsudations.
On doit procéder à l'extraction du corps étranger immédia-
tement après l'accident, car dans ces cas il est encore libre
de toute adhérence, l'inflammation n'existe point, et les
suites, par conséquent, de l'opération elle-même sont plus
brillantes.
Mais il arrive assez souvent que le malade ne se décide pas
immédiatement à l'opération, surtout si on le prévient que
sa suite n'est pas toujours exempte de danger, et il préfère
attendre. Dans d'autres cas, ne souffrant que peu après la
blessure, il ne vient pas consulter, qu'après un certain laps
de temps et au moment où l'inflammation se sera déclarée. Que
ce soit pour telle raison ou pour telle autre, toujours est-il
que nous avons souvent affaire à des blessures d'une date
ancienne, datant de quelques semaines et même de quelques
mois, et alors le rôle du chirurgien devient bien plus diffi-
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DU GORFS VITRÉ. 23
cile el le résultat de l'opération tout à fait problématique.
Faut-il chercher à retirer le corps étranger de l'œil, lorsque
ce dernier se trouve enflammé, et quel est le degré d'inflam-
mation compatible avec l'opération?
Les opinions à ce sujet sont très variées si on juge d'après
les différents auteurs.
Hirschberg1, dans son travail, divise les indications de
l'opération en trois catégories : a) primitive lorsqu'on la
fait immédiatement après l'accident, dans les premières
12-24 heures; b) secondaire lorsqu'on la pratique dans la
période d'irritation et d'inflammation qui se développe dans
l'œil après la pénétration du corps étranger, inflammation
allant jusqu'à l'infiltration diffuse du pus dans le corps vitré,
et c) tertiaire, lorsque les premiers accidents inflammatoires
se seront calmés ou dissipés complètement, et au bout d'un
temps plus ou moins long, après des mois ou des années
même, le corps étranger en se déplaçant aura amené des
accidents inflammatoires tardifs. Selon lui, l'opération
d'extraction à l'aide d'un aimant devra être pratiquée dans
toutes ces conditions, quitte plus tard à enlever l'œil, si ce
dernier, après l'extraction du corps étranger s'est atrophié
ou si la vue ne s'est pas rétablie.
Il rapporte seize observations d'extraction de paillettes de
fer avec l'aimant dans la période tardive secondaire ou ter-
tiaire, el sur seize cas, quinze fois on a dû enlever l'œil ou
ne conserver à la suite de l'opération qu'un simple moignon.
Ces observations sont les unes personnelles, et les autres
empruntées à différents auteurs et si on les analyse attentive-
ment, on se convaincra facilement qu'elles ont été pratiquées
aussi régulièrement que possible. Dufour, Knapp ont fait les
tenlatives d'extraction des paillettes de fer dans la période
d'iridocyclitc avant l'énucléation.
On doit donc se demander si après des résultats nuls,
car le plus souvent on a dû recourir ensuite à une énucléa-
tion, si réellement, dis-je, il y a quelque avantagea aller
1. Hirschberg, loc. cil., p. 34.
24 CORPS ÉTRANGERS METALLIQUES DE L'ŒIL.
fouiller dans un œil qu'on peut d'avance considérer comme
perdu, avec des instruments aimantés ou non, et s'il n'est
pas préférable de pratiquer dès le début une énucléalion du
globe oculaire. Je pense que l'extraction d'une paillette de
fer avec un aimant faite dans un œil atteint d'une irido-
cyclite avec suppuralion du corps vitré, est une simple opé-
ration de curiosité,, visant l'effet de nouveauté et qui expose
le malade à des souffrances inutiles et prolongées et aux deux
opérations, plus graves l'une que l'autre, quand une simple
énucléation faite à temps, aurait pu débarrasser le malade, et
du premier coup, des conséquences fâcheuses de la bles-
sure.
Selon moi, voici la conduite que l'on devra tenir dans un
cas de blessure de l'œil avec un morceau d'acier dans le
corps vitré :
4° Lorsque le corps étranger occupe le corps vitré, et que
l'accident est tout récent, il ne faut pas hésiter à inciser la
sclérotique et aller le chercher à l'aide d'un aimant.
2" Si le corps étranger se trouve dans le corps vitré depuis
un cerLain temps, quelques jours, quelques semaines et
même plus, et qu'il provoque des accidents inflammatoires
du côté de l'iris et de la choroïde, mais si le corps vitré ni
l'humeur aqueuse ne contiennent pas encore du pus,
l'extraction de la paillette de fer avec l'aimant, devra être
tentée, car dans ces conditions l'opération a quelques chances
de succès.
C'est ainsi que Me. Keown, Jeaffreson et Hirschberg ont
obtenu des succès tout à fait satisfaisants au point de vue du
rétablissement de la vision toutes les fois que les accidents
étaient récents et sans suppuration. M. Frôhlich 1 a publié
un cas très intéressant, dans lequel la vision a été presque
totalement rétablie après l'extraction de la paillette avec
l'aimant.
Dufour2 a fait plusieurs tentatives d'extraction de mor-
1. FriJhlich, Extraction eines Eisensplitlers ans den Glaskôrper mit dem
Elcctromannctcn; fastvolle Sohsch. KUn. Monatsbl. /'. Augenh., XXXIII,
p. 350.
2. Dufour, Revue médicale de la Suisse romande, juillet, septembre 1885.
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DU CORPS VITRÉ. 25
ceaux de fera l'aide de l'aimant, et dans un cas il a parfaite-
ment réussi. Knapp3 a communiqué dans le dernier Congrès
d'ophtalmologistes américains les résultats de sa propre
pratique. Dans trois cas la tentative d'extraction du corps
étranger avec l'aimant n'a pas réussi, et il a dû faire l'énu-
cléation. Dans les quatre autres cas il a dû réintroduire l'ai-
mant k plusieurs reprises, et l'opération a été suivie d'excel-
lents résultats.
Dans deux cas, le globe de l'œil est resté un peu mou et
moins dense que dans l'état normal malgré la conservation
de la perception lumineuse dans tout le champ périphérique.
En ce qui me concerne, j'ai eu un heureux résultat dans
un cas, tandis que dans les deux autres cas, malgré les tenta-
tives répétées de l'introduction de l'aimant dans le corps
vitré, je n'ai pas pu avoir le corps étranger et j'ai dûénucléer
l'œil, ce dont j'avais du reste prévenu d'avance le malade.
3° Il est, selon moi, indispensable de procéder de la ma-
nière suivante : Si le corps étranger que l'on recherche dans
le corps vitré à l'aide d'un aimant, ne peut être retiré au
dehors, et lorsqu'on a introduit à plusieurs reprises l'aimant
dans l'œil et que ces tentatives n'aboutissent cà aucun résultat,
il faut alors, sans hésiter, énucléer le globe de l'œil séance
tenante et préserver ainsi l'autre œil des accidents sympa-
thiques.
Voici mes trois observations nouvelles de l'extraction des
corps étrangers du corps vitré avec l'aimant.
OBSERVATION
Blessure de l'œil avec un éclat de fer. Pénétration du corps
étranger dans le corps vitré. Son extraction à laide d'un
aimant. Guérison.
M. B..., âgé de trente-sept ans, ouvrier mécanicien, de-
meurant à Grenelle et occupé dans l'usine Cail, reçoit en
burinant un éclat de fer dans l'œil. Immédiatement la vue se
1. Knapp, American Ophthalmol. Society, juilloH885, p. 13.
26 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
troubla, mais il n'y faisait pas grande attention, et se contenta
d'appliquer un bandage et une compresse d'eau froide. Ce
n'est que le neuvième jour qu'il vint me voir à la clinique, le
21 novembre 1882, et j'ai pu constater une plaie transversale
dans la sclérotique gauche, à 5 millimètres du bord de la
cornée, un peu en dehors et en bas de cette membrane. L'œil
est mou, très fortement injecté, l'iris est verdâtre et des
exsudations pupillaires masquent le fond de l'œil. Néanmoins,
par un éclairage latéral, on peut apercevoir facilement un
reflet rougeâtre derrière le cristallin, qui n'est autre qu'un
épanchementsanguin devenant purulent dans ie corps vitré. La
perception lumineuse existe quoique faible. En présence de ces
accidents, je n'hésite pas de proposer l'énucléalion, ce à quoi
le malade consent immédiatement. Mais une fois le malade en-
dormi à l'aide du chloroforme, nous avons cru utile d'essayer
d'extraire le corps métallique à l'aide d'un aimant. Après avoir
fait une incision d'avant en arrière sur la sclérotique, dans la
région équatoriale entre le muscle droit externe et supérieur,
nous avons introduit un fort aimant dans l'œil; ce n'est que
dans une quatrième exploration que nous avons eu la satis-
faction de retirer un morceau d'acier, long de 4 millimètres et
2 millimètres et demi d'épaisseur. Par la même plaie, il s'est
écoulé une certaine quantité du corps vitré que nous avons pu,
en outre, retirer un gros paquet floconné de sang coagulé. La
plaie a été réunie avec un fil de soie, et l'œil avait guéri, au
point que quatre mois plus tard j'ai eu l'occasion del'exami er
et de constater que malgré l'opacité partielle du cristalin et
la présence d'une masse opaque en bas du fond de l'œil, le
malade voyait à compter facilement les doigts, et pouvait
presque se conduire seul de cet œil.
ORSERVATION
Blessure de Vœil avec pénétration d'une paillette de fer dans
le corps vitré. Tentatives d'extraction. Énucléation.
M. T..., âgé de quarante-trois ans, demeurant à Paris, re-
çoit un éclat de fer dans l'œil. Il en résulte une porte de la
vue presque instantanée avec une diminution notable de la
densité du globe. En septembre '1883 je lais une tentative
répétée d'extraction du corps étranger, mais sans résultat.
En présence de cet insuccès, je fais une énucléation du globe,
et je trouve, en présence de MM. Parisotti, Parent et Despa-
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DU CORPS VITRÉ. 27
gnet un morceau d'acier assez volumineux dans la région du
cercle ciliaire : le corps vitré était tout entier, ainsi qu'une
partie de la choroïde, en suppuration.
OBSERVATION
Blessure de l'œil avec un morceau de fer. Tentatives
d'extraction. Enucléation.
Le nommé R. R..., âgé de vingt-huit ans, reçoit d'un de
ses camarades qui travaillait avec lui dans un atelier de ser-
rurerie, un éclat de fonte, qui au premier abord ne trouble que
très peu la vue. Le malade vint nous consulter dès le lende-
main et nous constatons un trouble profond du corps vitré
et un commencement d'iritis. J'ai prescrit un traitement an-
tiphlogistique, car l'idée de l'opération est rejetée par le ma-
lade. Le malade ne revint plus me voir qu'au bout de dix-
huit jours, et j'ai reconnu alors une iridocyclite. Le malade
accepte l'opération de l'extraction du corps étranger avec
l'aimant. Mais après des tentatives restées infructueuses,
j'ai pratiqué séance tenante l'énucléation. Le corps étranger
se trouve fixé dans le cercle ciliaire au milieu d'une
masse exsudative remplie de pus, et qui était attachée à la
choroïde.
Dans ces trois cas, de même que dans tous les autres rap-
portés par les auteurs où les tentatives d'extraction à l'aide de
l'aimant n'ont donné que des résultats négatifs, on pourrait
croire qu'on avait affaire à des corps étrangers situés dans
l'humeur vitrée, mais en réalité ces paillettes métalliques
étaient fixées dans la choroïde, d'où la suppuration de cette
dernière membrane et du corps vitré, et l'impossibilité de
l'extraction du corps métallique emprisonné dans la mem-
brane vasculaire, comme l'examen de deux yeux énucléés
me l'a démontré.
VII. — Extraction des morceaux «le fer <Ie la rétine.
Nous avons exprimé, dans les pages qui précédent, noire
opinion sur la manière dont se comportent le plus habituelle-
ment les corps étrangers dans le corps vitré. Selon le volume
28 CORrS ÉTRANCERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
plus ou moins grand, et selon la force de projection, ils res-
tent suspendus dans le corps vitré, ou bien ils se fixent quelque
part dans la rétine ou la choroïde.
Il est excessivement rare de voir une paillette de 1er se
fixer dans la rétine elle-même, et dans telles conditions que
l'ophlalmoscope puisse dévoiler son existence et son siège. Le
plus habituellement ces corps traversent en même temps la
réline et la choroïde et occasionnent immédiatement des
accidents inflammatoires tellement intenses, qu'il s'ensuit
très rapidement un trouble du corps vitré, une iritis avec des
exsudations pupillaires, ne permettant plus d'éclairer le fond
de l'œil. Souvent on voit survenir une suppuration de la
choroïde, qui exige une énucléation du globe oculaire,
car toute autre intervention chirurgicale devient impos-
sible.
Lorsque le corps étranger pénètre dans l'œil à travers la
cornée et le cristallin, ce dernier devient trouble, et la cata-
racte qui en résulte rend toute exploration impossible.
Mais si dans la grande majorité des cas les choses se pas-
sent ainsi, il n'en est pas moins vrai que, dans certaines cir-
constances heureuses, la paillette de fer, après avoir pénétré
avec une très grande force de projection à travers la cornés
et le cristallin laisse à peine dans ce dernier une trace per-
ceptible de son passage, ce qui fait que la transparence du
cristallin se conserve pendant un lemps plus ou moins long
et permet l'exploration du fond de l'œil. Si, à l'aide de l'oph-
talmoscope, on découvre la présence du corps étranger sur la
rétine, on sera alors autorisé à pratiquer l'extraction à l'aide
d'un aimant.
11 faut avouer que les cas de ce genre ne se rencontrent pas
souvent, et on ne trouve jusqu'à présent dans la science que
deux faits analogues, celui que j'ai opéré avec un succès com-
plet, et dont j'ai communiqué l'observation à la Société de
chirurgie en 4881, et un autre fait, très intéressant aussi, qui
a été observé et décrit par M. Hirschberg. Nous croyons utile
de reproduire ici les deux observations, car l'une et l'autre
présentent un intérêt pratique de la plus haute importance,
EXTRACTION DES PAILLETTES DE FER DE LA RÉTINE. 29
tant au point de vue du diagnostic que relativement à l'inter-
vention chirurgicale.
Voici le résumé de l'observation de M. Hirschberg \
ODSERVATION
Tentative d'extraction tertiaire d'un morceau d'acier volu-
mineux, fixé dans la rétine et les membranes sous-jacentes,
au voisinage du nerf optique. Enucléalion.
Le nommé Oscar Pommerenii âgé de vingt-cinq ans, est
blessé àl'œil gauche par un éclat de fer le 23 décembre 4881.
On constate une plaie de trois millimètres au bord inférieur
delà cornée, ayant atteint la sclérotique et la région ciliaire.
Le corps vitré est rempli de sang ; le cristallin est transparent.
En examinant avec l'ophtalmoscope on constate au-dessus
du diamètre horizontal, sur la rétine, trois petites taches
noires, rondes, superposées, et avec des reflets luisants au
milieu. Le 24- décembre on aperçoit la papille optique à
moitié recouverte de sang, et quelques taches hémorragiques
disséminées jusqu'à la macula sur le fond grisâtre de la rétine
infiltrée par une suffusion séreuse. Quelques taches, à côté,
indiquent la déchirure de la choroïde.
Le 30 décembre le malade reconnaît la montre, l'œil est
un peu douloureux.
Le malade revient après une longue absence, le 49 novembre
4882, et on constate qu'il distingue les caractères n° 50 de
Snellen à quinze pas, et que le champ visuel est de tous les
côtés rétréci. Le globe de l'œil n'est point irrité, le cristallin
est transparent, la papille optique ainsi que les parties voi-
sines il^la rétine sont troubles, sans être gonflés. Tout près
de la papille on aperçoit des exsudats un peu saillants, et au
milieu de l'une de ces taches exsudatives M. Hirschberg a pu
reconnaître le corps étranger.
Le 16 juin 1883 le malade revint à la consultation avec un
œil excessivement enflammé; uneirido-cyclites'élait déclarée.
On pratique alors une incision dans la sclérotique mais après
des tentatives répétées et infructueuse, d'extraction du corps
étranger avec l'aimant, puis avec une pince et une curette,
on a dû faire l'énucléation du globe oculaire.
1. Hirschberg, Der Eleldromagnel inder Auyenheilkunde, p. 79.
30 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL
Voici maintenant un autre fait de l'extraction, à l'aide d'un
aimant, d'un corps étranger métallique, fixé dans la rétine,
et que j'ai retiré avec un plein succès en 1881, et dont j'ai
communiqué l'observation à la Société de chirurgie. Cette
communication a été examinée par une commission dont
M. Paul Berger était le rapporteur.
Voici les détails de cette observation, tels que nous les avons
rédigés pour la Société de]chirurgie. Nous les ferons suivre du
rapport très intéressant et très érudit de M. Berger ainsi que
de la discussion qui eut lieu à ce sujet dans la Société de chi-
rurgie. Nous compléterons ensuite l'observation par des dé-
tails, postérieurs à la communication, car chez notre malade
il s'était formé, quelques mois après l'extraction du corps
étranger, une cataracte que nous avons opérée ensuite avec un
plein succès. Ce complément d'observation sera une réponse
aux objections qui ont été faites dans la discussion de la
Société de chirurgie par MM. Desprès et Giraud-Teulon.
OBSERVATION
Blessure de la cornée, de Viris et du cristallin par un éclat de
fer qui s'est logé dans la rétine. Extraction au moyen
d'une sonde aimantée. Guérison.
M. L..., âgé de quarante et un ans, ajusteur mécanicien,
demeurant à la Villette, avait reçu en burinant, un éclat de
fer dans l'œil gauche; sa vue se troubla immédiatement et il
voyait tomber comme des gouttes d'huile devant l'œil.
Le 21 mars, il est venu nous voir à la clinique et nous avons
pu constater une plaie au bord iféiïeur de l'iris. A l'examen
ophtalmoscopiquc, on pouvait découvrir une bande opaque
dans la partie inférieure du cristalin, occupant presque
toutes les couches; les deux tiers supérieurs du cristallin
étaient libres, transparents, de sorte qu'il était facile de re-
connaître à l'image renversée, un corps étranger noir, placé
au bord d'un vaisseau, et qui était entouré d'une exsudation
blanchâtre l.
1. La figure n° 2 de la pl. n° XVI do mon Atlas ophtalmoscopique représente
et corps étranger de la rétine, tel qu'il a été vu par moi et MM. Yvcrt. Parent
et Despagnct.
EXTRACTION DES MORCEAUX DE FER DE LA RÉTINE. 31
Cet examen a été fait à plusieurs reprises par moi, ainsi
que par MM. Parent, Yvert, Chevalier et Despagnet. Nous
avons prescrit l'instillation du collyre à l'atropine et l'appli-
cation de cinq sangsues à la tempe. La nuit suivante, le ma-
lade avait beaucoup souffert, l'œil droit était devenu très
rouge, surtout dans la partie équatoriale. Nous avons pris la
décision, sur les conseils de M. Yvert, de pratiquer l'extraction
du corps étranger à l'aide d'une sonde aimantée qui a été
construite à cet effet par M. Collin.
Le 23 mars, nous avons procédé à cette opération. Le ma-
lade ayant été couché sur le lit d'opérations, nous avons
écarté les paupières avec le blépharostat. Après avoir saisi
l'œil avec une pince et l'avoir attiré très fortement dans l'angle
interne, j'ai marqué approximativement le point que devait
occuper le corps étranger, à peu près à 2 centimètres du
bord de la cornée, et dans l'espace situé entre les muscles
droit externe et le droit supérieur. Avec le couteau de Graefe,
j'ai fait une incision de k à 5 millimètres, d'avant en arrière,
parallèlement aux muscles droits de l'œil. La plaie est devenue
immédiatement béante, et le corps vitré commençait à sortir
au dehors ainsi qu'une certaine quanLité de sang choroïdien.
J'ai introduit la sonde aimantée dans le corps vitré et je
l'ai promenée autour de la plaie contre la rétine, mais le
corps étranger ne sortait pas. Ma première tentative ayant
échoué, j'ai engagé M. Yvert à renouveler les mêmes essais;
le résultat était encore négatif. Croyant alors que le corps
étranger était trop fortement fixé à la rétine, j'ai introduit
une petite pince irienne dans la plaie et je l'ai promenée en
appuyant doucement sur les parties de la rétine voisines de
la plaie, puis j'ai réintroduit encore une fois la sonde aiman-
tée dans la plaie; cette fois-Là, j'ai eu la satisfaction de retirer
la paillette de fer adhérente au bout de la sonde. Ce corps,
complètement lisse à la surface, mesurait à peine 2 milli-
mètres de diamètre. Immédiatement après l'extraction, j'ai
réuni les deux bords de la plaie avec un point de suture et
j'ai appliqué un bandage compressif.
Pendant les premières douze heures, le malade a beaucoup
souffert, mais la nuit a été calme. Le lendemain la plaie était
très injectée, la pupille dilatée par l'atropine, l'œil rouge
et endolori. Dès le quatrième jour, les douleurs cessèrent
complètement; le sixième jour, la suture sclérolicale est
tombée toute seule, et à partir de ce moment la rougeur du
globe oculaire a commencé à diminuer rapidement.
En examinant le fond de l'œil le neuvième jour, nous
32 * CORrS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
avons pu constater avec les docteurs Yvert et Parent, qu'il
exsitait un large épanchement sanguin dans le corps vitré,
situé au voisinage de la rétine, et très probablement à l'en-
droit de la plaie.
9 avril. — L'épanchement a diminué beaucoup, la papille
paraît plus claire, l'opacité du cristallin n'a point augmenté,
le malade peut lire les caractères n° 12, ce qu'il ne pouvait
faire avant l'opération. Toute trace d'inflammation a dis-
paru, et son œil peut être considéré comme guéri. Son
champ visuel reste libre, excepté dans une portion assez
limitée en dedans et en bas où il existe un large scotome.
Voici maintenant le rapport détaillé de M. Paul Berger, lu
à la Société de chirurgie :
Vous avez pu constater sur le blessé les traces de l'incision
scléroticale pratiquée par M. Galezowski. Celui-ci vous a fait
voir également le petit éclat d'acier dont il avait pratiqué
l'extraction, et l'aimant élégamment construit par M. Collin,
au moyen duquel il avait pu l'obtenir : nous ne pouvons
donc que féliciter le présentateur du succès opératoire qu'il
vient de remporter. Mais la restauration de la vision qu'il a
obtenue chez son blessé se maintiendra-t-elle?
Ce cas est le premier où l'on dut faire usage en France, à
notre connaissance du moins, d'un aimant pour cette ma-
nœuvre, l'une des plus délicates de la chirurgie oculaire, et
cette pauvreté de documents tirés de notre littérature, nous
a forcé à chercher ailleurs des faits qui nous permettent d'ap-
précier l'extraction des corps étrangers perdus dans le corps
vitré au double point de vue des résultats définitifs que l'on
peut attendre de cette opération et des procédés qui ont été
mis en usage pour atteindre ce but.
A part la thèse de Ballias (Les corps étrangers du corps
vitré, Th. de Paris, 1865) où sont mentionnées quelques-
unes des tentatives faites jusqu'alors pour extraire les corps
étrangers du corps vitré, l'on ne trouve que peu de détails
sur ce point dans les livres classiques, et il faut arriver à
l'ouvrage récent dé M. Yvert (Traité pratique et clinique des
blessures du globe de Vœil, Paris, 1880), pour voir ce sujet
traité avec quelque développement. Signalons pourtant Pin-
IBRARY) n;
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORPS VlTftB^*3Rirî
dicalion très nettement posée par notre collègue, M.
Teulon (art. Corps vitré, in D ici. encyclop.des se. méd., Paris,
1878), de la recherche et de l'extraction des corps étrangers
tombés dans le corps vitré, indication déterminée bien plus
par la nécessité de soustraire l'œil sain aux dangers de
l'ophtalmie sympathique que par l'espoir de conserver à la
vision un organe plus ou moins utile.
A l'étranger cependant, des tentatives d'extraction nom-
breuses ont été pratiquées; leurs résultats signalés par leurs
auteurs sont devenus le point de départ de travaux d'en-
semble importants et de perfectionnements notables dans le
manuel opératoire; c'est donc principalement en puisant aux
sources étrangères que nous avons pu réunir trente obser-
vations d'extraction de corps étrangers du corps vitré. Celles-
ci constituent, avec le fait de M. Galezowski, la presque tota-
lité des cas jusqu'à présent publiés et connus.
Le premier exemple d'extraction d'un corps étranger du
corps vitré est dû à de Graefe (Grœfé's Archiv, vol. III, 2);
mais dans ce fait, ainsi que dans deux autres publiés par
V. Jseger (Wiener Krankenhausbericht, 4857 et 1858), le
corps vulnérant était resté fixé par son extrémité dans la
sclérotique d'où il put être retiré avec des pinces. La simpli-
cité du diagnostic et du mode opératoire, dans les cas pré-,
cités, nous engage à ne pas les faire entrer dans une statis-
tique où nous ne tiendrons compte que des corps étrangers
perdus en quelque sorte dans le corps vitré.
C'est donc à Critchett (The Lancet, 1854-, I, p. 358), qu'à
été due la première extraction connue d'un corps étranger
perdu dans le corps vitré, extraction, d'ailleurs, suivie d'un
assez beau succès. Puis Desmarres (Annales d'oculistique,
t. XXIII, p. 16) retira un fragment de capsule du corps
vitré, mais l'œil, débarrassé du corps étranger s'atrophia
lentement et fut perdu pour la vision. Enfin Dixon (Ophtal-
mie Hospilal Reports, l, p. 280) répéta, avec plus de succès
que Desmarres, l'opération exécutée d'abord par Critchett.
Le premier il eut l'idée de recourir à l'application d'un
aimant au voisinage de l'œil, non pour faciliter l'extraction
3
3-4 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
du corps d'acier contenu dans le corps vitré, il est vrai, mais
pour assurer le diagnostic.
Viennent ensuite les importantes contributions à l'histoire
des corps étrangers du corps vitré dues àR. Berlin (de Stutt-
gart). Cet auteur s'attacha principalement à étudier la marche
que le corps suivait dans l'intérieur de l'œil, et à démontrer
qu'il se réfléchissait presque toujours sur le pôle postérieur,
pour venir se fixer dans les parties situées en avant de son
point de contact avec ce dernier. Ses tentatives d'extraction,
au nombre de sept, relatées dans quatre mémoires successifs
(Zehend. klin. Monalsbl., IV, 1876, p. 81 : un cas ; — Ueber
clen Gang der in tien Glaskôperraum eingedrungenen (Yém-
en Kôrper, in Grœfé's Arch., XIII, 2, p. 275, 4807 : un cas.
— Beobachtungen ûber fremcle Kôrper m den Glaskorper
raum, inlbid., XIV, 2, p. 275 : trois cas. — Archives of Oph.
talmology de Knapp et Moos, vol. I, p. 30, deux cas), furent
suivies de résultats défavorables et presque toujours de la
perte de l'œil.
Revenant en Angleterre, nous y trouvons deux extirpations
pratiquées la première par Sp. Watson (The Lancet,\8T%, II,
p. 598), la seconde par J.-E. Jeafferson (On foreign bodiesin
the eije, mMed. Times and Gazette, 28 mars 187-4, p. 342,
obs. VI); puis un très beau succès de Schœler (Opht. Inst.
Rep., 1874) qui n'est connu que par la très courte mention
qui en est faite dans le compte rendu annuel de Virchow et
Ilirsch sur les progrès de la médecine. Peu de temps après,
en Amérique G. -T. Stevens (d'Albany), parvint à retirer un
corps étranger du corps vitré en le guidant sur une fine
aiguille introduite jusqu'à lui, par ponction, au travers de la
sclérotique (Trans. ofthe Amer. Opht. Society, 1875, p. 308).
Ce fut encore à un Anglais qu'il appartînt d'avoir le pre-
mier mis à contribution l'attraction magnétique pour aller à
la recherche du corps étranger métallique et l'extraire. Dans
trois cas, William A M'Keown, chirurgien de l'hôpital ophtal-
mologique de Delfast, put retirer au moyen de l'aimant des
parcelles de fer ou d'acier perdu dans le corps vitré(0n/7ie use
ofthe magnct in the diagnosis of the présence of steel or iron
EXTRACTION DES CORrS ÉTRANGERS DU CORT-S VITRÉ. 35
in theeye, and in Ihc extraction oftïiereof, wilh ilùnstrative
cases, in The Dublin Journal of Médical Science, vol. LXII,
1875, p. 201 ; obs. 1, 2 et 3). Cetle ingénieuse innovation dont
Dixon avait été le précurseur en quelque sorte, lui qui s'était
servi des mouvements imprimés au corps étranger par l'ai-
mant pour en déterminer la situation précise, fut adoptée,
depuis lors, par presque tous les opérateurs, et principale-
ment par Knapp et par Hirschberg : c'est elle qu'a mis à
profit, en dernier lieu, M. Galezowski.
Knapp, néanmoins ne l'utilisa pas tout d'abord. Dans un
premier mémoire, le plus complet qui ait été écrit sur ce
point, et où sont relatées presque toutes les observations que
nous venons de passer en revue, il cite trois faits qui lui sont
personnels : dans deux d'entre eux il s'agissait de fragments
■de capsule, et la nature du corps étranger ne se prêtait pas à
l'application de l'aimant; dans le troisième, c'était un frag-
ment de fer qu'il retira au moyen de pinces introduites par
une incision delà sclérotique (The removal of foreign bodies
from the interior of the eye, in Arch. of Ophtalmology de
Knapp etMoos, 1878, p. 330), Mais déjà en 4879 Hirschberg
avait suivi l'exemple de M'Keown dans un des deux cas dont
son premier travail sur ce point renferme l'histoire (Glas-
kôrper Opérationen, in Grœfës Arch. , XXII, 3, p. 146) . A l'ai-
mant il avait même substitué l'action de l'électro-aimant
que nous verrons plus fréquemment employé que le premier
dans la suite. Deux extractions suivies de deux insuccès com-
plets terminés par l'énucléation de l'œil l'avaient àcette époque
fort découragé, et la relation des faits qui lui étaient per-
sonnels était bien faite, suivant son expression, pour calmer
«le débordement d'enthousiasme avec lequel on baptise du
nom d'opération pratiquée sur le corps vitre, les extractions
de fragments métalliques simplementimplantésdansla sclé-
rotique et n'ayant déterminé aucune issue du corps vitré ».
Aux extractions pratiquées sans l'intervention de l'aimant,
il faut encore. ajouter les observations de J.-S. Prout (Re-
moval of a pièce of a sleel from the vilreous eye bail and good
préservation of lightperception, in Archiv. of Ophtalmology
36 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE l'(EIL.
de Knapp et Hirschberg, juin 1880, p. 197) el de G. -S. Bull
(On the removal of foreign bodies from llie eye, with foor cases
in Ibid,, 1880, p. 79).
Cependant dans un nouveau mémoire (Two cases of re-
moval of fragments ofiron from the vitreous, in the one with
a scierai flap-section, in the olher with a magnet; remarks,
in iW., juin 1880, p. 207), Knapp rapportait bientôtdeux cas
nouveaux où il s'était servi d'électro-aimant, une fois avec
succès, infructueusement dans l'autre cas. La môme année,
G. Frânkel (de Chemnitz), s'était, lui aussi, servi avecbeaucoup
de succès d'un aimant simple dans le double but de déplacer
d'abord, puis d'extraire le fragment de fer perdu dans le corps
vitré (Entfemung eines Eisensplitlers aus dem Glaskôrper
miltelst Scleralschnitt und Magnet, iaCentrablatt fur Augen-
heilkunde, 18 février 1881). Enfin dans une communication
faite au neuvième congrès des chirurgiens allemands, Hirsch-
berg, rapportant.deux faits personnels nouveaux où l'électro-
aimant lui avait permis de retirer des fragments d'acier du
corps vitré, revint sur ce que sa première appréciation pou-
vait avoir de trop sévère (Ueber Entfemung von Eisen-splil-
tern aus dem Augeninnern mit Hùlfe des Elektromagneten.
Bericht ùber die Verhandlungen der deutschen Gesellschaft
fur Chirurgie, Xe Congress, Centrabl.f. Chirurg., 1881, n°20).
Telles sont les observations d'extraction de corps étranger
du corps vitré que nous avons pu réunir. Il faut y joindre la
mention d'une opération de cette nature pratiquée par
Hansen, mentionnée dansle Canstatfs Jahresbericht, relatée
de seconde main, par Knapp et qui est la seule avec celle de
Schceler à laquelle, faute d'indication bibliographique précise,
nous n'ayons pu directement recourir.
II. U extraction des corps étrangers du corps vitré, envi-
sagée au point de vue de ses résultats définitifs el durclablis-
semenl delà vision. — « Un des plus beaux succès de la chi-
rurgie moderne, dit M. Galezowski, dans sa communication,
est de sauver l'organe en faisant l'extraction au moyen d'un
aimant, du corps étranger qui a pénétré dans le corps
vitré, si ce corpsétranger est un fragment de 1er ou d'acier. »
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORrS VITRÉ. 37
Nous sommes pleinement de son avis, mais il s'en faut de
beaucoup que la conservation ou la restauration des fonc-
tions visuelles soit toujours la conséquence de l' extraction
du corps étranger, même lorsque celle-ci a été faite avec
succès ; c'est ce que prouve l'examen des trente et une obser-
vations que nous avons pu réunir.
Deux fois seulement nous trouvons noté le rétablissement
complet de la vision (le cas de Schœler et un cas de Hirsch-
berg).
Le résultat paraît néanmoins avoir été bon encore dans
quatre observations (celle de Dixon, de Galezowski, une de
Knapp et une de M'Keown). Dans le cas de M. Galezowski,
le blessé pouvait, au bout de dix-huit jours, lire du caractère
n° 12 ; toute trace d'inflammation avait disparu, et le champ
visuel restait libre, sauf dans une partie assez limitée en
dedans et en bas où existait un large scotome. Le malade de
M'Keown pouvait, à un pied de distance, lire le n° 2 de
l'échelle de Snellen, au bout de six mois. Celui de Knapp
avait, au bout d'un an, une acuité visuelle égale à 2/3. Enfin
dans le cas de Dixon, le bon résultat est simplement affirmé
par ce terme laconique : « good recovery. » Comme nous
verrons dans une autre observation anglaise, celle de Prout,
en tête de laquelle nous lisons : « Préservation oflhe eyeball
and good perception of light, » que labonne perception de la
lumière se bornait à une perception quantitative et que la
tension oculaire était diminuée, nous sommes forcés de nous
tenir en garde contre des succès annoncés d'une façon aussi
sommaire. Nous sommes aussi contraints de faire quelques
réserves sur le cas de M. Galezowski, ainsi que nous le
dirons dans la suite : classons néanmoins les résultats de ces
deux opérations parmi les succès thérapeutiques.
Le rétablissement de la vision fut médiocre dans quatre
cas, ceux de Critchett, de Fr.ïnkel, de Bull et dans une
observation de Knapp. Le malade de Critchett, qui fut perdu
de vue au bout de dix semaines, avait recouvré une vision
moyennement bonne, suivant l'observation. Dans le cas de
Bull, au bout de quelques jours, l'acuité visuelle était de 1/3;
38 CORrS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
il en était de même après quarante-sept jours chez l'opéré de
de Frànkèl; eufin Knapp, parlant d'après de simples souve-
nirs, rapporte qu'un jeuneenfant, de l'œil duquel il avait re-
tiré un éclat de capsule, et qu'il put suivre pendant quelques
années, avait conservé une vision modérément bonne, sans
phénomènes sympaliques du côté opposé.
La restauration des fonctions est notée comme tout à fait
insuffisante dans quatre autres observations. Dans l'une, due à
Knapp, quatre semaines après l'opération, le malade ne pou-
vait que compter les doigts, tandis qu'après la blessure il
pouvait lire le n° 2 1/2 de Snellen et il s'était produit une
opacificalion diffuse du corps vitré. Chez un opéré de Berlin,
il n'existait que la perception quantitative de la lumière au
bout de plusieurs mois. Celui de Jeafferson présentait une
acuité de 1/10; celui de Prout, chez lequel cet auteur aurait
observé « good perception of light », ainsi que nous l'avons
dit, il n'y avait, au bout de quatre ans, que des perceptions
quantitatives de lumière et la tension oculaire était abaissée.
Dans un cas, l'opération dut rester inachevée et l'on dut
procéder à l'énucléation immédiate (R. Berlin) ; pour deux
autres (l'un dû au même auteur et l'autre à Hansen), nous
n'avons aucun renseignement sur le résultat fonctionnel.
Dans les treize derniers, la vision fut absolument et irrémé-
diablement détruite. Elle est simplement notée comme
perdue dans une observation de R. Berlin, dans une de
Knapp, dans une de M'Keown, dans celle de Stevens et de
Sp. Watson. L'atrophie complète de l'œil est expressément
indiquée dans trois faits de Berlin et dans celui de Des-
marres. Trois fois les douleurs, les phénomènesirritatifsetles
menaces d'ophtalmie symphatique motivèrent l'énucléation
de l'œil débarrassé de son corps étranger (une observation de
M'Keown et deux de Ilirschbcrg), et deux fois les mêmes acci-
dents durent être combattus par l'énervalion de l'œil (neuro-
tomie oplico-ciliaire).chcz des opérés de R.Berlin (de Stutt-
gart) et de Ilirschbcrg.
Ainsi la statistique de trente et une extirpations de corps
étrangers du corps vitré nous donne, à côté de deux succès-
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORI'S VITRÉ. 39
complets, incontestables, constatés au bout de longs mois,
quatre succès encore assez beaux, dont deux malheureuse-
ment peuvent laisser quelques doutes; quatre cas où le résul-
tat fut passable; quatre autres où il fut manifestement insuf-
fisant, et treize enfin où l'ablation du corps étranger, non
seulement ne sauva pas l'œil blessé, mais ne put même tou-
jours (dans cinq cas) mettre l'autre œil à l'abri des dangers
de l'ophtalmie sympathique.
Il peut être utile de rechercher les causes de l'insuccès et le
mode suivant lequel l'œil s'est perdu dans ces cas malheu-
reux.
Dans quelques cas rares, comme dans un fait publié par
R. Berlin, la gravité du même traumatisme oculaire ne pouvait
laisser aucun espoir de conserver au blessé un œil utile : il
s'agissait, dans ce cas, d'une balle de petit calibre qui avait
lacéré la cornée et l'iris; l'œil était mou et revenu sur lui-
même avant la tentative d'extraction.
La nature du corps étranger ne paraît pas avoir eu une
grande influence sur le résultat final. Le plus souvent il s'agis-
sait soit de paillettes d'acier ou de fer détachées d'un mar-
teau ou d'un ciseau, soit d'un éclat de capsule; leur dimen-
sions variaient de un à six millimètres, leur poids de quelques
milligrammes à quatre centigrammes. Or, nous trouvons que
le corps le plus volumineux qui ait été extrait du corps vitré
(Frànkel), a laissé un résultat fonctionnel assez bon, et que
fragments d'acier ou débris de capsules se partagent à peu
près également les succès et les insuccès.
La voie suivie par le corps étranger, pour pénétrer dans le
corps vitré n'a pas l'importance que l'on pourrait lui attri-
buer au point de vue du succès ou de l'insuccès fonctionnel
de l'opération. Tantôt en effet le corps étranger traverse la
cornée et l'iris ('19 cas) et alors assez souvent le crisLallin est
opacifié en totalité (3 cas) ou en partie (5 cas) ; tanLôt l'agent
vulnérant atteint la slcérolique (8 cas) et a respecté les parties
antérieures de l'appareil dioptrique. L'examen des cas nous
montre le rétablissement complet de la vision pouvant s'effec-
tuer même alors que le cristallin complètement opaque avait
40 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
dû être extrait (cas de Schœler) : dans cette observation,
comme dans celle de Crilchett, le diagnostic et l'ablation du
corps ne furent possibles qu'après l'extraction de la cataracte
traumatique. L'on a encore, comme dans le fait de Prout
fait suivre l'issue du corps étranger de l'extraction par la
curette des portions opacifiées du cristallin partiellement,
cataraclé. Il est néanmoins légitime d'admeLtre que la bles-
sure de la cornée, de l'iris et du cristallin constituent des
complications anatomiques qui assombrissent le pronostic
fonctionnel, mais cette opinion se fonde sur des considéra-
tions à priori plutôt que sur l'examen des faits connus.
Il en est de même des lésions que le choc du corps étranger
a pu produire sur les membranes du fond de l'œil; en ce
point l'on observe souvent un décollement de la réline qui se
traduit après la guérison par un scotome persistant ou une
limitation du champ visuel (Hirschberg, Berlin, Galezowski);
ce décollement de la rétine lui-même a pu guérir ainsi que
l'observation de Frânkel le prouve.
Avant de passer à l'examen des conditions qui ont sur le
succès définitif l'influence la plus marquée, mentionnons
brièvement ce qui a tuait à l'âge des malades et à la durée du
séjour du corps étranger dans le corps vitré.
Quoique les meilleurs résultats aient été observés sur de
jeunes sujets (douze à seize ans) l'on ne saurait en con-
clure que les blessures du corps vitré augmentent de gravité
avec l'âge. Un fort petit nombre de blessés, dont l'âge est men-
tionné dans notre stastistique, avaient dépassé l'adolescence,
et, de ceux-ci, les deux plus âgés, ceux de Bull (cinquante-trois
ans) et de Galezowski (quarante et un ans) ont fourni des suc-
cès relatifs.
Quant à la durée du séjour du corps étranger, elle fut
unefoisde neufmois (Hirschberg), uneautre fois de sept mois
(Knapp); dans les deux cas les yeux furent perdus. Mais si, le
plus souvent, l'extirpation suivie du succès fut pratiquée dans
les vingt-quatre ou les quarante-huit heures qui suivirent l'ac-
tion de la cause vulnérante, nous devons cependant compter
deux opérations relativement heureuses pratiquées au vingt-
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORrS VITRÉ. 41
cinquième jour (Friinkel) et au trente-huitième jour (Bull)
aprèsla blessure.
Les circonstances qui ont sur l'issue finale l'influence la
mieux marquée sont les phénomènes inflammatoires qui se
développent dans l'œil et spécialement dans l'appareil irido-
choroïdien soit avant, soit après l'intervention chirurgicale.
La pénétration du corps étranger dans le corps vitré
provoque parfois une réaction des plus modérées, mais le
plus souvent dès le lendemain se développe une inflmmation
conjonctivale; puis on voit se développer les phéno-
mènes del'iritis aiguë qu'accompagne quelquefois la produc-
tion d'un hypopyon (M'Keown, Bull, Hirschberg) le corps
vitré lui-même se trouble et dans les tentatives d'extraction
on le voit coloré en jaune par le pus (Hirschberg). Avec ou
sans ces phénomènes d'inflammation diffuse se produit une
inflammation circonscrite autour du corps étranger qui tend
à l'enkyster dans des adhérences pseudo-membraneuses qui se
développent autour de lui, ainsi que Desmarres l'a observé le
premier. Quand cette inflammation est circonscrite et qu'elle
aboutit à la fixation du corps étranger, elle est la cause d'une
difficulté nouvelle dans l'opération tentée pour l'extraire
(Knapp, Galezowski). Mais l'inflammation diffuse est autre-
ment danger euse. Dans les observations où elle s'est produite,
l'œil a été perdu malgré l'extirpation pratiquée, et l'on ne
peut faire d'exception que pour le cas (Critchett, M'Keown,
Hirschberg, Galezowski) où l'ablation de corps étranger a été
faite très peu d'heures après son développement. L'hypopyon
doitparticulièrementêtre considérécommeun pronostic grave
et l'on doit compter, parmi les cas exceptionnels, celui de Bull
ou unepaillette d'acier put être retirée après trente-huit jours
de séjour dans l'œil, alors qu'il s'était produit de l'iritis avec
hypoypon, sans que l'organe fût perdu. Il est vrai que laplaie
scléroticale était restée béante jusqu'au quarante-huitième
jour, peut-être la diminution de la pression oculaire résul-
tant de ce fait pourrait-elle expliquer une terminaison aussi peu
en rapport avec la gravité des premiers phénomènes. Dans les
six cas les plus favorables, l'inflammation consécutive ou ne
42 CORrS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
s'était pas produite (Schœlcr, Hir.schb.erg, Dixon, Knapp) ou
était modérée (M'Kcown, Galezowski).
Somme toute, la perte de l'œil, ou tout au moins de la
vision, est le résultatde troubles inflammatoires qui se déve-
loppent ou se continuent après l'extraction. Non que le plus
souvent les manœuvres d'extraction puissent être incriminées :
l'irritation qu'elles ont déterminée se calme le plus souvent
le quatrième jour (Critchett, R. Berlin, Knapp, Galezowski)
ou manquent (Desmarres, Dixon, Berlin, Knapp) : quand des
phénomènes inflammatoires aigus délerminentla suppuration
de l'œil, c'est qu'il y avait déjà avantmenacedepanophtalmie;
dans une observation deM'Keown il y avait une iridoeyelite
aiguë avec hypopyon avant l'extraction du corps étranger.
Ces cas du resLe sont rares et il y n'y a que deux observations :
une de Hirschberg, et une de M'Keown où la fonte purulente
de l'œil ait été notée. Parfois au contraire l'opération n'est
suivie d'aucune aggravation de l'état inflammatoire et néan-
moins l'œil se perd. Ce fut le cas dans les onze autres faits
qui se terminèrent parla perte de l'œil.
Celle-ci peut être la conséquence d'une iridoeyelite à
marche lente, qui succède aux premiers phénomènes inflam-
matoires.
C'est cette complication qui a nécessité l'énucléation de
l'œil ou son énervation dans les cas où cette opération a été
pratiquée. Mais dans d'autres observations, l'atrophie gra-
duelle du globe oculaire ou l'opacification lente du corps
vitré (Desmarres) sont accusées sans qu'il ait eu la moindre
réaction à la suite de l'opération (Berlin). Un espace de trois
semaines à deux mois et demi a suffi le plus souvent pour
voir se confirmer cette terminaison fatale, dans les cas où la
simplicité des phénomènes qui avaient suivi de près l'opéra-
tion faisaient augurer le plus heureux succès.
Ces considérations sur les résultats définitifs que donne,
au point de vue delà conservation de la vision, l'extraction
des corps étrangers perdu dans le corps vitré, nous font voir que
cette opération, dont on ne saurait nier le magnifique succès
dans des cas malheureusement trop rares, cslforl infidèle; que
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORrS VITRÉ. 43
dans l'immense majorité des cas, si l'on atteint le but opéra-
toire que l'on se propose, l'extraction du corps étranger, le
but thérapeutique, la conservation de la visionnait défaut ou
n'est que fort incomplètement rempli. Nous voyons que
l'issue du corps étranger non seulement ne met pas le globe
oculaire à l'abri de l'atrophie qui s'en est emparée presque
dans la moitié des cas, mais que les menaces persistantes
d'ophtalmie sympathique contraignent parfois le chirurgien
à recourir à l'énuclation de l'œil ou à la névrotomie; enfin,
que dans les cas les plus favorables eux-mêmes, il faut at-
tendre des mois avant de se prononcersur la validité du résultat
acquis, l'expérience ayant démontré que si la restauration de
la vision devient dans quelques cas rares plus complète avec
le temps, il est beaucoup plus fréquent de voir l'iridocyclite-
consécutive et la phtisie oculaire détruire les résultats d'une
opération conduite avec un apparent succès. Nous regrettons,
par conséquent, d'avpir à formuler une réserve sur l'obser-
vation communiquée par M. Galezovvski, dont le malade,
opéré depuis dix-huit jours seulement lorsqu'il fut présenté,
n'était point encore à l'abri des complications redoutables.
Peut-on espérer que les récents perfectionnements du ma-
nuel opératoire appelleront sur cette opération, dans l'avenir,
un jugement plus favorable? C'est ce que nous allons recher-
cher en examinant le procédé, d'invention récente, auquel
M. Galezowski a eu recours et auquel il a dû son succès.
II f. — L'extraction des corps étrangers perdus dans le
corps vitré envisagée au point de vue du manuel opératoire et
spécialement de V emploi des aimants clans cette opération.
Ce n'est que dans un très petit nombre de cas que le pro-
cédé par lequel le corps étranger fut extrait s'est imposé à
l'opérateur presque à son insu. Ce fut ainsi que Berlin, en
procédant à l'énucléation de l'œil blessé, découvrit la pointe
du corps étranger qui avait traversé la sclérotique vers le pôle
postérieur de l'œil et qu'il en pratiqua l'extraction. Ce même
chirurgien, incisant, dans un autre cas, un gonflement in-
flammatoire qui soulevait la conjonctive dans la région équa-
toriale de l'œil, y découvrit un fragment de capsule qui après
44 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE l'(EIL.
avoir pénétré à travers la cornée, l'iris, le cristallin et le corps
vitré, était ressorti de l'œil en traversant la sclérotique, mais
avait été arrêté par le tendon du muscle droit supérieur de
l'œil. Spencer Wylson, en pratiquant une iridectomie anti-
phlogistique sur un malade qui avait reçu un grain de plomb
dans l'œil, retira l'agent vulnérant qui, après s'être infléchi,
sur le pôle postérieur de l'œil était venu s'amorlir, puis s'en-
kyster contre l'iris.
Dans quelques autres observations, où le corps était abso-
lument inclus dans le corps vitré, la voie d'extraction était
toute tracée : c'était la plaie d'introduction restée béante
dont l'exploration fit reconnaître l'existence et la situation
du corps étranger, et au travers de laquelle il put être extrait
(Knapp et Berlin, trois cas). Dans un cas, M'Keown dut agran-
dir l'orifice traumatique pour pouvoir enlever le fragment
d'acier et le cristallin qui était opaque.
Mais presque toujours les chirurgiens ont dû se frayer une
voie pour arriver jusqu'au corps vulnérant. Ce premier
temps de l'opération a beaucoup varié, suivant les conditions
de la blessure et aussi suivant les opérateurs.
DeGrœfe, dans la première opération de cette nature qui ait
été publiée, enleva tout d'abord le cristallin par son procédé
d'extraction de la cataracte, ce qui lui permit de voir et de
saisir le corps étranger avec des pinces introduites par son
incision cornéenne. Cette voie d'extraction n'est plus consi-
dérée actuellement que comme un procédé de nécessité
réservé aux cas où le cristallin a été frappé d'opacité. Il a été
depuis lors mis en usage trois fois seulement, par Crilchett,
Berlin et par Tlirschberg, et dans les deux derniers cas l'œil
s'est, perdu.
Même alors que la cataracte traumatique masquait le corps
étranger ou rendait les manœuvres de recherches difficiles,
on a parfois préféré avoir recours au second mode d'extrac-
tion, à la voie sclérolicale. Ainsi Schœler, dans le cas qui fut
couronné d'un aussi magnifique succès, commença par pra-
tiquer l'opération de la cataracte; et ce ne fut qu'après, lors-
que la transparence rendue aux milieux lui eut permis de voir
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORPS VITRÉ. 45
le corps flottant dans le corps vitré qu'il alla à sa recherche
par une incision sclérolicale. Prout, quoique le cristallin
fût opaque en grande partie, se servit.de la même voie pour
chercher et saisir l'éclat de ciseau qui avait pénétré dansl'œil,
puis il enleva à la curette tout ce qu'il put enlever du cristallin.
Somme toute, dans l'immense majorité des cas, dans 20 ob-
servations sur 30, on pratiqua sur la sclérotique, le plus
près du point où l'on supposait que le corps étranger se
trouvait placé, une incision pour servir de voie d'introduc-
tion aux instruments. Mais cette incision peut être dirigée
de diverses façons. Avant que Berlin eût employé une section
parallèle au bord de la cornée, située à quelques millimètres
en arrière de celui-ci, Desmarres avait pratiqué sur la sclé-
rotique une incision longitudinalement dirigée, suivant un des
méridiens, parallèle par conséquent aux bords des muscles
droits de l'œil qui l'avoisinent. Si le premier procédé a été
suivi par M'Keown, et par Prout dans ces derniers temps, le
dernier a pour lui le plus grand nombre des opérations
récentes, celles de Hirschberg, de Knapp, de Galezowski.
Knapp, particulièrement, prit vivement sa défense en faisant
observer que l'incision longitudinale a l'avantage de ne point
intéresser en travers les fibres radiées de la rétine et les prin-
cipaux vaisseaux de la choroïde et qu'elle permet une mise au
contact plus exacte des lèvres de l'incision après l'extraction.
Il nous semble, d'après les observations, qu'elle expose moins
que l'incision parallèle à la cornée à l'issue d'une grande
quantité de corps vitré, mais qu'elle donne une voie un peu
moins aisée pour les recherches; dans plusieurs cas il fut
nécessaire de faire bâiller ses lèvres avec des pinces pour
extraire le corps étranger. Aussi, dans son plus récent tra-
vail, Knapp a-t-il transformé cette incision longitudinale en
une petite section à lambeaux qu'il juge plus propre à faciliter
l'introduction des instruments et l'extraction. Nous dirons
tout à l'heure, en effet, que surtout avec l'aimant il arrivait
parfois que le corps étranger métallique, quoique déplacé,
était arrêté au niveau de l'incision sclérolicale par le con-
tact d'une des lèvres de celle-ci.
40 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
Jusqu'au moment où M'Kcown eut l'ingénieuse idée de
mettre en usage l'attraction magnétique pour extraire les par-
celles de fer ou d'acier introduites dans le corps vitré, les explo-
rations et la saisie du corps étranger avaient été faites avec des
pinces fines (pinces à irideclomie, pince d'Assalini, pince à
capsule) avec des crochets mousses ou avec la curette; souvent
avec ces divers instruments successivement. Quoique les opé-
rateurs aient cherché à déterminer par l'examen ophtalmos-
copique avec le plus de précision possible le point où sié-
geait le corps étranger, quoiqu'ils se soient aidés de l'éclai-
rage antérieur au cours de l'opération dans tous les cas où
celui-ci permettait de percevoir directement le reflet métal-
lique qui traduisait sa présence, ces recherches longues et
difficiles étaient souvent conduites un peu au hasard; aussi
presque toujours a-t-il fallu des tentatives nombreuses, le
corps étranger saisi, déplacé, était parfois perdu de vue et
échappait définitivement à l'opérateur comme cela est arrivé
deux fois à R. Berlin, qui dut laisser les opérations inache-
vées. Ces recherches multipliées n'étaient pas sans influence
sur l'inflammation oculaire consécutive et sur l'insuccès
fonctionnel de l'opération, même alors qu'elle avait pu être
conduite à bonne fin.
Certains chirurgiens eurent recours dans les conditions
difficiles à d'avantageuses modifications de l'opération et leur
conduite pourrait être imitée dans des cas analogues. Des-
marres ne pouvant saisir le corps étranger lui-même, enroula
autour de ses pinces un tractus néomembraneux qui traver-
sait le corps vitré et dont l'extrémité aboutissait au fragment
de capsule qu'il cherchait à enlever : la traction qu'il exerça
sur ces adhérences amena au dehors le corps étranger.
Slevens, avant de tenter l'extraction, fit pénétrer dans le
globe oculaire, à travers la sclérotique une fine aiguille, juste
en avant d'un éclat d'acier qui s'était fixé sur la réline près de
Péquateùr de l'œil, et dont il avait déterminé la situation à
l'ophtalmoscopc. Se guidant sur ce conducteur, il put arriver
jusqu'au corps étranger qu'il obtint en excisant un petit lam-
beau de la rétine.
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORPS VITRÉ. 47
Quoique l'emploi de ces moyens eL l'usage de ces instru-
ments puisse et doive rendre encore bien des services, surtout
lorsqu'il s'agira de fragments de capsules, de grains de
plomb, de corps autres en un mot que les éclats de fer et
d'acier, quoiqu'ils aient été mis à profit récemment encore
par Bull et par Prout, il n'en est pas moins vrai que l'inven-
tion de M'Keown a fait faire un progrès considérable à cette
question de thérapeutique oculaire.
L'on sait que Fabrice de Ililden, sur les conseils de sa
femme, s'était servi d'un aimant pour retirer une parcelle
métallique qui avait pénétré dans la cornée; que Morgagni
chercha, mais en vain, par ce moyen, à extraire d'un abcès
de la cornée, un éclat de fer que celui-ci renfermait. Cooper
(The Lancet, 1859) en introduisant un aimant dans la chambre
antérieure en fit sortir un corps étranger analogue, et son
exemple fut suivi par Rothmund en 1873. — D'autre part,
Dixon avait eu l'idée de solliciter un éclat d'acierperdu dans
le corps vitré au moyen d'un fort aimant approché de l'œil, et
le déplacement du reflet métallique lui ayant démontré que
c'étaitbien le corps étranger qu'il avait en vue, le chirurgien
pu1, l'extraire avec la pince d'Assalini. Mais personne avant
M'Keown n'avait songé à substituer aux recherches faites
dans le corps vitré avec des instruments l'action magnétique,
sollicitant le corps étranger à sortir de lui-même en quelque
sorte des milieux de l'œil.
Ce ne fut pas à la légère et par hasard que l'opérateur
irlandais se décida à se servir de l'aimant. Guidé par des
considérations théoriques, il s'était livré depuis fort long-
temps à des expérimentations sur des yeux d'animaux. Celles-
ci lui démontrèrent que si l'aimant était impuissant à attirer
un fragmentde fer etd'acier au travers des parties encore saines
du corps vitré, il possédait une force capable de lui faire tra-
verser l'œil d'une extrémité à l'autre, lorsque le traumatisme
en avait romdu les cloisons (/ found il would draiu métal
Ihrourjh broken-up vitreous fromoneside oflheeye lo thcolher).
Hirscliberg dit avoir répété dernièrement ces expériences
(À'e congrès des chirurgiens allemands.)
48 COUPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
L'innovation de M'Keown ne fut pas acceptée sans opposi-
tion : Knapp dans son premier travail sur l'extraction des
corps étrangers du corps vitré lui fut peu favorable. Il paraît
aujourd'hui un de sespartisans convaincus, et ses observations
jointes à celles d'IIirschberg, de Frânkel, de M'Keown èt de
M. Galezowski, nous permettent de compter neuf cas dans
lesquels l'attraction magnétique a été employée, dont huit avec
succès opératoire, c'est-à-dire extraction ducorps métallique.
Le matériel instrumental néanmoins n'est plus le même.
M'Keown s'était servi d'un aimant simple, tantôt droit tantôt
courbé en fer à cheval dont les branches se terminaient en
pointes; tantôt, enfin des pinces aimantées. Knapp et
Hirschberg préfèrent avoir recours à l'électro-aimant. Ici
encore les instruments et les constructeurs ont varié. Hirsch-
berg a fait fabriquer par le constructeur d'instruments
Dorffel un électro-aimant dontla force électromotrice est four-
nie par un simple élément zinc-charbon; les fils s'entourent
en spirale autour d'une tige de fer recourbée et se terminent
par deux pointes d'inégales dimensions. Avec cet appareil,
Hirschberg peut supporter des poids de 50 et de 1 00 grammes.
Knapp a adopté l'usage d'un instrument analogue, que
quelques expériences lui ont fait préférer à l'aimant perma-
nent imaginé par Grùning pour ce but. Ce dernier, construit
sur le principe de la batterie magnétique par Reynders (de
New-York), n'avait encore été mis en expérience que sur des
yeux de porc (E. Gruening, Magnet for theremoval of par-
ticlesofsleel and iroti from the interior of the eye présenté à
Y Amer. Med. Associât., 3 juin 1 880, analysé in New-York
Med. Records, 1880, t. XVII, p. 651 ; et New-York Med. Jour-
nal, 1880, p. 484.
Ces auteurs, pour justifier la préférence qu'ils ont pour
l'électro-aimant, allèguent sa plus grande puissance et la
possibilité de développer et de suspendre instantanément sa
force attractive. Ces raisons ne nous semblent pas valables :
un aimant est toujours assez puissant pour attirer quelques
milligrammes de fer ou d'acier, si le corps qui les pèse est
réellement libre dans le corps vitré; dans le cas contraire,
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORrs VITRÉ. 49
l'action magnétique la plus énergique serait impuissante.
C'est ce que prouvent non seulement les expériences de
M'Keown, mais l'examen de deux de nos faits, l'un dû à
Knapp, l'autre à M. Galezowski. Dans l'un et l'autre, le corps
étranger était maintenu contre la rétine par des adhérences
inflammatoires dans le premier cas, enclavé dans son épais-
seur dans le second. Dans l'un et l'autre, l'inLroduction
répétée de l'aimant ne put l'entraîner qu'après que par
quelques contacts directs on fut parvenu à détacher ses con-
nexions et à le libérer.
Les autres observations prouvent surabondamment que
l'aimant simple suffit à entraîner un corps étranger libre,
et comme la simplicité, la finesse des instruments est la pre-
mière des conditions requises quand il s'agit de manœuvres
aussi délicates, il nous semble qu'il serait préférable de s'en
tenir ainsi que M'Keown, Frânkel, M. Galezowski l'ont fait,
à l'aimant simple, surtout à l'instrument élégant et léger
construit par M. Collin, d'après les indications de ce dernier
instrument qui, malgré son petit volume, peut aisément sup-
porter un poids d'un gramme et même davantage.
Il ne faudrait pourtant pas croire que même à l'aide de
l'aimant l'extraction des parcelles de fer et d'acier du corps
vitré soit chose facile. M. Galezowski dut s'y reprendre
quatre fois, Hirschberg trois fois, Knapp plusieurs fois éga-
lement avant d'entendre le bruit de cliquetis métallique
(bruit qui manque parfois) annonçant que le corps étranger
était venu se fixer sur l'aimant. Puis, nous l'avons dit, au
moment où le corps étranger va franchir la plaie scléroticale,
s'il rencontre une de ses lèvres, il peut y rester accroché.
Dans quelques cas il a fallu l'en retirer avec des pinces
(Knapp). Dans un cas de Hirschberg même, l'action magné-
tique semontra insuflisante et l'on dut aller chercher le corps
étranger avec des pinces après avoir extrait le cristallin
opaque.
Ainsi l'attraction de l'aimant, tout en fournissant un utile
secours aux autres méthodes d'extraction, peutôtre inefficace;
elle est toujours insuffisante quand le corps étranger est lixé ;
50 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
elle ne s'applique qu'à un nombre de cas limités, ceux où le
corps étranger est constitué par une parcelle de fer et d'acier.
En revanche, elle paraît admirablement appropriée à ces
derniers, lorsque le corps est libre, flottant dans l'humeur
vitrée; surtout lorsque sa situation exacte ne pourrait être
précisée, et que les recherches avec des pinces ou des crochets
mousses risqueraient de dilacérer le corps vitré au hasard et
sans résultat. Dans ce cas, c'est le corps étranger qui peut aller
de lui-même se fixer sur l'aimant introduit dans le vitréum à
une distance plus ou moins grande de lui.
Quelques mots en terminant sur le diagnostic du lieu de
fixation du corps étranger. L'éclairage antérieur, l'examen
ophtalmoscopique permettent presque toujours de préciser
son siège. Quand le cristallin est opaque et qu'on ne peut
avoir recours à ces explorations, on arrive à le reconnaître
parfois par la sensibilité plus grande de la sclérotique et par
l'injection du globe oculaire au point correspondant, mais
ces dernières indications sont bien vagues et l'on ne peut
guère fonder sur elles le choix du lieu où l'on doit opérer.
Un Américain, Thomas R. Pooley (de New-York), a récem-
ment eu l'idée de faire servir la déviation de l'aiguille ai-
mantée à cette détermination (On the détection of the pré-
sence and location of steel and iron forcing bodies in the
eye by the indication of a magnetic needle, in Archives of
Ophlhalmology de Knapp et Hirschberg, sept. 1880, p: 225).
Il a surtout voulu mettre en lumière ce fait que la déviation
de l'aiguille aimantée, dont on observe le maximum au point
précis où la parcelle de fer est la plus voisine de la surface
de l'œil, s'était accrue lorsque le corps étranger lui-même
était transformé en un aimant. Pour atteindre ce but, il
suffit d'approcher un très fort aimant du poiul où l'on
suppose que le corps étranger est inclus et de l'y laisser
quelque temps en permanence. Celte idée avait été suggérée
à l'auteur par un précédent travail de M. Alfred Suree,
publié en 1 8 44, dans le Médical Times and Gazette. Il en
a vérifié l'exactitude dans de nombreuses expériences, et bien
que sa découverte soit déduite de considérations scientifiques
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORPS Y1TRÉ. 51
un peu abstraites, il nous semble que dans le cas où un frag-
ment d'acier ou de fer perdu dans le corps vitré ne serait pas
accessible aux autres procédés d'investigation, on pourrait,
pour en déterminer le siège, avoir recours à un des appareils
délicats que Thomas R. Pooley a construits et dont nous ne
pouvons malheureusement que mentionner la description et
les effets.
Nous conclurons de cette longue analyse à laquelle nous a
conduit la discussion du cas communiqué par M. Galezowski
que, d'après les observations publiées, l'extraction des corps
étrangers perdus dans le corps vitré peut et doit être tentée ;
Qu'elle peut être efficace, c'est-à-dire qu'elle peut conserver
la vue de l'œil blessé — mais dans des cas forts rares ; mais
que le plus souvent elle ne laisse qu'un degré restreint et
même insuffisant de vision ;
Que son succès final et le rétablissement des fonctions dé-
pendent : l°de l'étendue des lésions immédiates des milieux
et des membranes de l'œil ; — 2° des phénomènes inflamma-
toires qui se développent et évoluent dant l'œil sous l'influence
de l'iritation produite par le séjour du corps étranger; —
3° des troubles de même nature soit préexistant à l'extraction
du corps étranger et persistant après elle, soit tardivement dé-
veloppés qui se traduisent le plus souvent par une iridocyclite
entraînant la perte de l'œil;
Que même dans les cas où l'opération ne rétablit pas la vue,
elle peut mettre le blessé à l'abri de l'ophtalmie sympathique;
mais que cette sauvegarde n'est pas absolue, et que souvent
il a fallu avoir ultérieurement recours à l'énucléation ou à
l'énervation de l'œil duquel on avait retiré le corps étranger;
Que ces résultats malheureux sont en trop grand nombre,
et que l'apparition des accidents qui marquent cette ter-
minaison fatale est assez reculée souvent pour qu'il faille ne
se prononcer qu'avec une extrême réserve sur le résultat
d'une opération récente.
Enfin le manuel opératoire lui-même, au sujet duquel nous
avons déjà présenté plus haut quelques conclusions, nous
paraît avoir bénéficié de l'emploi de l'atLraction magnéLiquc
52 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
exercée au travers d'une incision scléroticale, lorsque le corps
étranger est de nature à se laisser attirer par un aimant.
L'observation du docteur Galezowski se trouvant repro-
duite in extenso dans ce rapport, nous n'avons plus qu'à
vous proposer d'adresser à l'auteur les remerciements de la
Société pour sa très intéressante communication.
DISCUSSION
M. Desprès. — Je dirai un mot pour appuyer la remarque de
M. Berger, au sujet du peu de temps écoulé depuis l'opéra-
tion faite au malade de M. Galezowski. Ce n'est pas dix-huit
jours après l'extraction que l'on peut affirmer que la guérison
existe.
Nous avons l'expérience de l'opération de la cataracte par
la sclérotique, elle a donné de mauvais résultats.
J'ai vu un enfant qui avait une plaie de la sclérotique faite
par un couteau; il guérit sans complication; la compression
du globe oculaire était effectuée par la paupière supérieure
gontlée. Dix-sept jours après l'accident on eût pu croire à la
guérison, la vision était conservée, l'enfant lisait.
Mais les plaies de la sclérotique peuvent entraîner une
perte de l'œil par l'atrophie.
Plus d'un an après, cei enfant avait une hémorragie intra-
oculaire et en un mois l'œil s'atrophia.
Une plaie chirurgicale faite sur la sclérotique expose aux
mêmes conséquences qu'une plaie accidentelle : il ne faut
donc intéresser la sclérotique que dans le cas d'absolue né-
cessité, et ne le faire pour enlever un corps étranger que
lorsqu'il menace d'amener une ophtalmie sympathique.
M. Giraud-Teulon. — Je commencerai par féliciter M. Ber-
ger de son excellent rapport et par dire que je m'associe à se
conclusions.
C'est avec raison qu'il a recommandé le procédé de M. Pau-
let pour la recherche exacte du lieu où est le corps étranger,
de sa direction.
J'ai assisté un confrère dans l'extraction d'un cyslicerque
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORPS VITRÉ. 53
de l'œil, on le voyait bien et quand on voulait le prendre avec
lapince, il setrouvaitquerinslrument enélaitàplusieurs milli-
mètres, parce quel'on ne serendail pas biencompte de ladistance.
Quand le corps étranger est une paillette de fer, c'est un
procédé excellent que de rechercher les données de l'aiguille
aimantée.
11 est à regretter que dans ce cas particulier l'opérateur ait
été obligé de faire des recherches avec sa pince, de racler la
réline; ces manœuvres exposent l'œil à des complications ; le
procédé de M. Paulet eût dû être employé.
Il est nécessaire d'attendre un an et plus pour bien savoir
quel sera l'état de la vision.
M. Gillette. — J'ai relaté dans Y Union médicale plusieurs
cas extraits des journaux étrangers et du genre de celui de
M. Galezowski.
Dans un cas, on pouvait redresser le corps étranger en ap-
prochant un électro-aimant de la cornée; le corps retombait
quand on éloignait l'aimant.
Les résultats obtenus par les chirurgiens anglais dans
l'extraction des corps étrangers de l'œil ne sont pas bons.
Si c'est la première fois qu'en France le procédé de l'ai-
mant est employé pour l'extraction d'un corps étranger de
l'œil, il a été déjà mis en pratique pour rechercher les corps
étrangers d'autres régions. En 1850, au Gros-Caillou, M. Lan-
celier s'en est servi pour un corps étranger de la peau. ,
M. Berger. — Dans une observation deSchôller, de 1877,
le corps étranger se déplaçait quand on approchait un aimant
de l'œil, ce qui a permis l'enlever plus facilement.
On s'est servi encore de l'aimant pour déterminer la direc-
tion de corps étrangers placés dans les tissus; par exemple,
pour rechercher une aiguille placée sous la peau, on l'a
aimantée en frictionnantla peau avec un aimant; puislecorps
étranger une'fois aimanté on a pu, par la déviation de l'ai-
guille d'un galvanomètre connaître la direction du grand
axe du corps étranger.
(Extrait du Bulletin de la Société de chirurgie,
1881, p. 715).
5-4 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
Les objcclions qui m'ont été faites par les honorables
membres de la Société de chirurgie portent, comme on a pu
voir, sur ce point que l'observation était encore trop ré-
cente pour qu'on puisse se prononcer d'une manière posi-
tive sur le résultat de l'opération. Les mêmes réserves ont
été faites aussi par le rapporteur de la commission, M. P. Ber-
ger.
Des modifications se sont produites, en effet, dans l'état de
l'œil de notre blessé, mais elles n'ont aucun rapportavec mon
opération, car la plaie scléroticale est restée complètement
fermée et cicatrisée, et la guérison des membranes internes
de l'œil ne s'est point démentie. Ce qui est arrivé chez notre
malade c'est l'opacificalion du cristallin, resté d'abord trans-
parent pendant plus de quatre mois malgré la blessure due au
morceau de fer, qui l'avait traversé de part en part, et qui
s'est ensuite opacifié complètement et d'une manière assez
rapide. La cataracte n'avait commencé à se former que
vers le commencement de septembre 1881, et en novembre
de la même année j'ai pratiqué l'extraction de sa calaracle
avec un plein succès.
Le malade a recouvré une acuité visuelle normale et
à l'aide des lunettes convexes de 15 D. il peut lire len°l
de l'échelle.
A l'examen ophtalmoscopique fait le 3 avril 1885, j'ai pu
constater que la papille optique est complètement saine; dans
la région temporale du fond de l'œil on aperçoit une large
plaque exsudalive d'une teinte bleu grisâtre, située sur le
fond blanc de la sclérotique dénudée, et entourée d'amas
nombreux pigmentaircs. Cette tâche correspond au point ou
était situé le morceau de fer, et où j'avais fait l'incision et la
suture scléroticale. Le champ visuel dans la partie corres-
pondante à celte tâche est complètement perdu, mais le sco-
tome est éloigné de plus de quatre centimètres du point de
fixation, ce qui fait que l'acuité visuelle centrale reste
complètement intacte.
Voici du reste les détails de cette nouvelle opération.
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DU CORPS VITRÉ. 55
ORSERVATION
Détails complémentaires sur Vèlat de la vue du malade L...,
à qui f ai retiré un corps étranger de la rétine.
M. L..., après l'extraction du corps étranger, ne souffrait
plus, il continuait de se servir cle son œil et avait repris son
travail comme par le passé. Une l'ois tous les huit ou dix
jours, il venait me voir à ma clinique; l'œil était toujours
sain et ne présentait aucune trace d'irritation. Les milieux
de l'œil étaient transparents, sauf la partie interne du cris-
tallin, à l'endroit du passage du corps étranger, qui restait
opaque et cette opacité s'étendait à travers la lentille, mais
dans la partie assez éloignée de l'axe optique.
Le 20 septembre de la même année, le malade est venu
se plaindre d'un trouble de la vue de l'œil blessé, qui s'est
déclaré, dit-il, depuis huit jours; ce trouble a marché si
rapidement, que le jour de sa visite il voyait à peine à
compter les doigts. En l'examinant, j'ai constaté que c'était
la cataracte qui s'était développée, elle était en apparence
demi-molle, et presque, complètement formée. Le champ vi-
suel était conservé partout, excepté à la partie supéro-interne.
J'ai proposé l'opération, le malade y a consenti de sorte que
le 29 novembre 1881, j'ai fait l'extraction de la cataracte par
en haut.
L'opération a parfaitement réussi, l'œil a guéri, et le
malade voyait, à la date du '11 février 1882, par conséquent
trois mois après l'opération, le n° 1 de l'échelle avec le
verre convexe de '15 dioptries associé au verre cylindrique,
de 2,25 dioptries, axe horizontal.
On voit par ces détails supplémentaires de l'observation,
que la guérison des membranes internes de l'œil, que nous
avons obtenue par l'extraction de la paillette de fer avec l'ai-
mant s'est maintenue au bout d'un an, telle que nous l'avons
annoncé à la Société de chirurgie. S'il est survenu une
cataracte quelques mois après la blessure, elle était à prévoir,
car, il est rare de voir une cristalloïde blessée se cicatriser
complètement. Tout au contraire, il arrive le plus habituelle-
ment que l'humeur aqueuse continue à s'infiltrer peu à peu
à travers la plaie capsulairc dans les masses cristallines, et
amène tôt ou tard leur opacification, et c'est ce qui a eu
lieu chez notre malade.
50 , CORrS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
J'ai rapporté dans mon Traité iconographique d'ophtal-
moscopie un autre cas de blessure de l'œil avec une figure
chromolilhographiée (fig. 2, pl. XVI), où Ja présence d'un
corps étranger au milieu de la choroïde atrophiée et d'un
amas pigmenlaire avait entraîné une oblitération complète
de l'artère centrale de la rétine, probablement par un pro-
cessus thrombosique. Il est plus que probable, que si immé-
diatement après l'accident, on avait enlevé le corps étranger
avec un aimant, les accidents thrombosiques ne seraient point
arrivés, et la vue de cet œil aurait été conservée.
VIII. — Mode opératoire pour extraire le corps étranger
métallique de l'intérieur tle l'œil à l'aide d'un aimant.
Cette question a été admirablement étudiée par M. Paul
Berger dans le rapport qu'il a fait à la Société de chirurgie,
et que nous avons reproduit plus haut. Après avoir passé en
revue toutes les observations publiées parles auteurs etana-
lysé successivement tous les modes opératoires, il fait cette
déduction, que tantôt on s'est servi de la plaie d'introduc-
tion lorsqu'elle était béante, comme cela avait été fait par
Berlin et Knapp; tantôt (M'Kweon) on a dû agrandir la
plaie d'entrée.
Dans quelques cas rares, lorsque le cristallin est blessé et
opacifié complètement du premier abord, on devra se servir
de la plaie cornéenne qu'on pratiquera pour extraire le cris-
tallin, et introduire, à l'exemple de de Grœfe, de Critchett
et de Hirschberg les instruments extractifs a travers cette
plaie. Mais je dois ajouter que cette voie est la plus éloignée du
corps étranger et par conséquent la moins commode pour
son extraction ; on ne doit y avoir recours que dans des cas
tout à fait exceptionnels. Et il est bien préférable d'agir à
l'exemple de Schôller, en faisant d'abord l'extraction de la
cataracte et cherchant ensuite à retirer le corps étranger à
travers une incision faite exprès dans la sclérotique.
Mais la voie la plus favorable pour l'extraction des corps
OPÉRATION POUR L'EXTRACTION A L'AIDE D'UN AIMANT. 57
étrangers qui ont pénétré dans le corps vitré et se sont logés
soit dans la rétine, comme cela a eu lieu dans mon cas, soit
qu'il se trouve perdu au milieu de l'humeur vitrée, c'est la
voie qu'on pratique dans la sclérotique.
C'est ainsi que nous avons procédé jusqu'à présent, et
nous la considérons comme la seule pratique et exposant
relativement moins à de grandes pertes du corps vitré.
Mais quelle est la forme à donner à cette incision et quel
est son point d'élection? Telles sont les questions que nous
croyons nécessaire de résoudre dans ce travail.
1° Quel est V endroit qui doit être de préférence choisi pour
V incision scléroticale! C'est à tort, croyons-nous, que Berlin
et Prout ont pratiqué une incision transversale dans la partie
antérieure de la sclérotique, au voisinage et parallèlement
au bord cornéen. En pratiquant une incision très près de la
cornée et dans une direction transversale, on produit une
grande et longue plaie qui intéresse dans tout son trajet le
cercle ciliaire, et compromet ainsi très gravement la nutri-
tion de l'œil tout entier. L'atrophie du globe oculaire doit
être la conséquence.
La meilleure direction qu'on puisse donner dans les extrac-
tions des corps métalliques de l'œil à l'aide d'un aimant, est
une plaie, faite parallèlement aux muscles droiLs, comme cela
a été du reste très bien exposé par M. le Dr Berger. Il faut
que la plaie soit portée autant que possible en arrière du
globe oculaire, et éloignée le plus possible de la région
du cercle ciliaire. C'est la partie équatoriale du globe qui
doit être, dans ces cas, choisie de préférence et c'est dans
celte région que je pratique toujours mon incision. Elle
doit être de préférence située au-dessus du diamètre hori-
zontal, par conséquent entre le droit supérieur et le droit
externe. L'incision doit avoir une étendue de un centimètre
et quart à un centimètre et demi, ce qui permettra à l'ai-
mant d'attirer facilement le morceau d'acier sans que la
plaie, par coaplation, le retienne dans l'œil. Certainement,
une plaie aussi étendue expose à une sortie trop grande du
corps vitré, mais étant placée dans l'hémisphère supérieur,
58 CORrS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
il y a moins à craindre une perte trop notable de ce
liquide, qui se reproduit, du reste, assez facilement une fois
que la plaie se trouve réunie.
L'incision doit être pratiquée avec le couteau de de Graefc;
on fera d'abord une ponction perpendiculairement à la
sclérotique, dans le point qui marque la limite postérieure de
l'incision, et on fera ensuite l'incision elle-même en allant
d'arrière en avant jusqu'à la limite antérieure. Dans cette
incision on doit éviter d'entamer le cercle ciliaire autant que
possible, mais il faut, d'autre part, chercher à s'éloigner
attentivement de la macula, car la rétraction que subit la
choroïde après l'incision et le processus inflammatoire qui
s'étend tout autour de la plaie, pourraient gagner la macula
et compromettre le résultat délinilif.de l'opération. Le lieu
d'élection que nous avons indiqué remplit dans ces cas les
conditions nécessaires pour éviter ces complications.
Relativement à l'instrument qui doit être employé pour
l'extraction du corps étranger, je partage complètement l'avis
de M. Paul Berger, qu'il n'y a point nécessité d'avoir recours
à des électro-aimants aussi puissants que ceux dont se sert
M. Hirchsberg, et qui peuvent supporter 50 à 100 grammes.
De simples sondes fortement aimantées suffisent pour attirer,
comme dit Berger, quelques milligrammes de fer ou cV acier,
si le corps qui les pèse est réellement libre dans le corps vitré;
dans le cas contraire, X action magnétique la plus énergique
serait impuissante. Nous avons montré1 quelle est la forme à
donner à la sonde qui doit servir à l'extraction de ces corps
étrangers. Si après la première tentative le corps ne vient
pas, il faudra alors promener la sonde sur le fond de l'œil
lui-même, dans tous les sens, comme nous avons fait chez
notre malade; alors on arrivera à déplacer le corps étranger,
à le déchatonner, après quoi l'aimant pourra l'entraîner faci-
lement au dehors.
Le docteur Siméon Snell2 vante beaucoup l'appareil éleclro-
1. Voyez p. 000.
2. Siméon Snell, The Magnet and Electro-magnct in Ophlhalmologic {Ont.
Med. Juurn., nov. 1883).
EXTRACTION DES CORPS ÉTRANGERS DE LA CHOROÏDE. 59
•
magnétique; il l'a employé dans vingt et un cas, et, sur ce nom-
bre, il n'a eu que deux insuccès.
Nous pensons aussi, que dans quelques cas exceptionnels
les appareils magnétiques puissants, tels que celui de Ilirsch-
berg ou de Siméon Snell, peuvent être utilement employés
dans certains cas spéciaux, lorsque le corps étranger est long
ot difficile à se détacher.
L'application d'une suture sur la plaie scléroticale est
indispensable; elle doit être faite avec une aiguille courbe,
très fine, que l'on introduira sur un bord de la plaie de
dehors en dedans, pour ressortir ensuite sur l'autre bord de
dedans en dehors. Il est préférable de se servir ici des fils,
fins de catgut, car on peut les laisser sur place, sans qu'on"
ait besoin d'allei»les retirer au bout de quelques jours.
IX. — Corps étrangers de la choroïde.
En parlant de l'extraction des corps étrangers de l'humeur
vitrée et de la rétine, nous avons souvent exprimé notre opi-
nion sur l'état de la choroïde dans ces sortes de traumatisme.
Il est rare en effet que cette membrane reste intacte; dans
la grande majorité des cas, c'est dans la choroïde et la rétine
que les corps métalliques se trouvent fixés, et par conséquent
ce que nous avons dit relativement à l'extraction des corps
étrangers de la rétine et du corps vitré se rapporte de tous
points à la choroïde et nous n'avons pas besoin d'y revenir.
X. — Conclusion.
De tout ce long travail, que nous avons consacré à l'emploi
de l'aimant dans l'extraction des morceaux de fer qui pénè-
trent dans l'œil, il résulte ce fait incontestable :
1° Que l'opération en elle-même est réellement utile.
2° Qu'elle peut, et doit être pratiquée toutes les fois que
les milieux de l'œil ne sont pas très notablement altérés, et
60 CORPS ÉTRANGERS MÉTALLIQUES DE L'ŒIL.
qu'il n'y a point de suppuration des membranes internes de
l'œil.
3° Les instruments aimantés sont aussi très utiles dans l'ex-
traction des corps étrangers fixés dans l'iris ou le cristallin,
car à l'aide de ces instruments on peut aller hardiment à
leur recherche sans crainte de les voir tomber derrière l'iris
et se perdre dans le cercle ciliaire, ce qui amènerait inévita-
blement la fonte purulente du globe oculaire, comme je l'ai
vu se produire dans plusieurs autres cas où l'aimant n'a pas
été employé.
4° Quant aux corps étrangers de la cornée, les instruments
ordinaires peuvent suffire généralement, mais il y a des caï
dans lesquels l'éclat de fer est tellement rapproché de la
membrane de Descemet qu'il peut pénétrer dans la chambre
antérieure, si l'aiguille ou la pince dont on se sert pour l'ex-
traire n'est pas aimantée et ne l'attire pas au dehors pendant
l'opération.
5° Dans les corps étrangers en fer ou en acier qui se trouvent
dans le corps vitré ou dans une autre membrane interne de
l'œil, il faut se servir des sondes aimentées et au besoin
d'éleclro-aimants.
6° L'introduction d'instruments aimantés doit se faire de
préférence à travers une incision scléroticale, faite en arrière
du cercle ciliaire, parallèlement et dans l'intervalle des muscles
droits, externe et supérieur.
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p. 513, 584 et 641.
TABLE DES MATIÈRES
I. — Extraction des paillettes de fer de la cornée 2
II. — Extraction des paillettes de fer de l'iris 5
III. — Extraction des paillettes de fer de la conjonctive 10'
IV. — Extraction des corps étrangers de la sclérotique '. . . . 11
V. — Extraction des paillettes de fer du cristallin 14
VI. — Extraction des paillettes de fer du corps vitré 18
VII. — ■ Extraction des morceaux de fer de la réline 27
Rapport de M. Paul Berger à la Société de chirurgie 32:
VIII. — Mode opératoire pour extraire le corps étranger métallique
de l'intérieur de l'œil à l'aide d'un aimant : . . . 55
IX. — Extraction des corps étrangers de la choroïde 59
X. — Conclusion 59-
Bibliographie 61
Table des matières 63
«
Bouuloton. — Imprimeries réunies, B.